Renoncour, le supposé mémorialiste, dans l’Avis de l’auteur, annonce qu’il va donner « un exemple terrible de la force des passions », l’histoire d’un jeune homme « aveugle » qui se précipite dans les pires infortunes. Le ton de la tragédie est ainis donné : voici un héros qui se laisse entraîner par son destin. Mais, dès ces premières lignes, les propos de Renoncour soulignent aussi l’ambiguïté de ce héros qui semble malgré tout, responsable de ses errances : le jeune homme s’est jeté « volontairement dans les dernières infortunes ». Quelle est donc la véritable dimension tragique de ce personnage ?
1. Un héros tragique
DG peut être considéré comme un héros puisqu’il est confronté à un grand nombre de malheurs qu’il surmonte avec grandeur d’âme, au risque d’y trouver la mort.
a) Les infortunes du héros
Elles jalonnent le récit comme autant d’épreuves à surmonter : 3 trahisons de l’être aimé, suivies de 3 séquestrations car tout s’oppose à la passion de DG.
Ces coups du sort suscitent les paroles et les réactions les plus violentes. Combien de fois DG maudit-il Manon, « infidèle », « inconstante », cruelle. Les disputes du père et du fils se traduisent par des paroles aux accents raciniens « va cours à ta perte. Adieu, fils ingrat et rebelle. Adieu, lui dis-je dans mon transport, adieu père ingrat et dénaturé » p.189. tandis que le père ne supporte pas de voir son autorité remise en cause, le fils refuse de trouver dans cet homme un père. Comme dans la tragédie, l’adversité pousse les personnages à dévoiler les profondeurs de leur personnalité.
b) Une noblesse naturelle
Le héros sait montrer sa grandeur d’âme et n’accepte d’être méprisé ni par son père, ni par Manon. Noblesse naturelle puisque Renoncour remarque tout de suite ‘ un air si fin, si noble »
Il réagit toujours avec magnanimité même dans les tourments les plus grands : il préfère la mort plutôt que d’être trompé, plutôt que de vivre loin d’elle, il préfère la mort. Il méprise les vils procédés utilisés par Manon qui est prête à accepter l’argent du vieux GM : « Dieu d’amour ! Quelle grossièreté de sentiments et que cela répond mal à ma délicatesse !» p.99. S’il finit par utiliser ces même moyens, c’est pour sauver son amour.
DG entraîne d’ailleurs Manon dans sa longue marche vers la pureté et la vertu.
Comme dans la tragédie, la passion ne conduit paqs au bonheur mais à la mort. Finalement Manon meurt et DG attendant en vain la mort et condamné à lui survivre, connaît ainsi le plus terrible châtiment.
2. Un destin tragique
Devenu narrateur, DG a 2 objectifs : apitoyer l’auditeur ou le lecteur mais aussi comprendre ce qui lui est arrivé.
a) Terreur et pitié
Comme dans la tragédie, le récit de DG doit susciter la terreur et la pitié. DG se tourne vers son passé et ne comprend pas comment sa vie a été bouleversée. Le narrateur ne parvient pas à suggérer « le désordre » de son âme lorsqu’il écoute le discours de Manon, venue le trouver au séminaire(p.77 ). Il éprouve les mêmes difficultés à analyser ses sentiments après la mort de Manon. De plus, l’émotion est renouvelée par la narration et DG craint de ne pouvoir finir son récit « Je crains de manquer de force pour achever le récit du plus funeste événement qui fût jamais » ? le passé garde donc son obscurité et le jeune homme inspire la pitié car il cherche une explication à cet enchaînement d’accidents
b) L’obscurité du destin
DG pense être soumis à un « ascendant » qui le conduit à sa perte Devant Tiberge, il déclare « Je lui parlai de ma passion(…) Je la lui présentai comme un des coups particuliers du destin qui s’attache à la ruine d’un misérable et dont il est aussi impossible à la vertu de se défendre qu’il a été à la sagesse de les prévoir » (p.90). La passion devient donc une fatalité à laquelle le héros est»asservi ». Soumis à sa passion, le héros est finalement brisé par le châtiment divin : la mort de Manon. Comme chez Racine, la fatalité prend la forme d’une passion dévorante. Comme dans la tragédie antique, un dieu vengeur poursuit les héros.
Auteur : G.F