Cinquième République : Pompidou succède à De Gaulle

Temps de lec­ture : 7 minutes
  • Georges Pompidou qui avait suc­cé­dé au Général de Gaulle suite à la démis­sion de celui-ci en 1969 ten­te­ra avec Jacques Chaban-Delmas comme pre­mier Ministre une poli­tique de réformes : “la Nouvelle Société”.
    Cette poli­tique avait pour objec­tif de répondre aux aspi­ra­tions de Nouveauté expri­mées par Mai 1968 tout en pour­sui­vant une poli­tique de crois­sance indus­trielle forte (grands pro­jets sidé­rur­giques à Dunkerque, à Fos…)
    • La “Nouvelle Société
      Chaban-delmas inau­gure une poli­tique sociale ambi­tieuse ; les leçons de mai 1968 n’ont pas été oubliées. Son gou­ver­ne­ment fait voter une loi en décembre 1969 qui accorde aux tra­vailleurs le SMIC (salaire mini­mum inter­pro­fes­sion­nel de crois­sance) qui rem­pla­ce­ra le SMIG (salaire mini­mum inter­pro­fes­sion­nel garan­ti) : doré­na­vant les salaires des moins favo­ri­sés seront indexés sur le taux de crois­sance. De plus, les salaires seront men­sua­li­sés. A ces dis­po­si­tions, vien­dront s’ajouter les lois sur la for­ma­tion pro­fes­sion­nelle conti­nue, le régime des retraites, la réduc­tion du temps de tra­vail. La volon­té réfor­miste du gou­ver­ne­ment satis­fait évi­dem­ment l’opinion publique mais elle est mal accueillie par les milieux poli­tiques qui reprochent à Chaban-Delmas son ouver­ture à gauche. La poli­tique menée abou­ti­ra en outre à une plus grande liber­té de la presse, un pou­voir plus large accor­dé aux régions, des contacts régu­liers entre l’État , les Syndicats et le Patronat (poli­tique contrac­tuelle), la créa­tion d’un minis­tère de l’environnement.
      Son pro­jet de “nou­velle socié­té” pré­sen­té devant l’Assemblée natio­nale dénonce les rigi­di­tés sociales et un cer­tain diri­gisme éta­tique. En même temps, il veut faire évo­luer la France vers une sorte de social-démocratie et pro­pose une meilleure infor­ma­tion des citoyens, une plus large concer­ta­tion dans les entre­prises, un ren­for­ce­ment des conven­tions col­lec­tives. Ce pro­gramme rompt avec la tra­di­tion du sys­tème qui laisse au seul chef de l’Etat le soin d’indiquer les grands axes de la poli­tique gou­ver­ne­men­tale. Mais la situa­tion éco­no­mique glo­bale des pays de l’OCDE était en train de se modi­fier et la crois­sance indus­trielle s’es­souf­flait (1967 : 6,6%, 1971 : 4,8%): les signes avant cou­reur de la crise de 1973 – 1974 com­men­çaient d’ap­pa­raître avec comme effet la mon­tée conti­nue du chômage.
      Si la poli­tique d’ouverture du Premier ministre tend à ral­lier le centre mais aussi une par­tie de la gauche modé­rée, les négo­cia­tions entre­prises par le PS et le PC en vue de signer un Programme com­mun de gou­ver­ne­ment signi­fient que désor­mais l’arrivée de la gauche au pou­voir n’est plus impro­bable. Pompidou com­pre­nant le dan­ger, décide de reprendre l’initiative en deman­dant aux Français de se pro­non­cer par réfé­ren­dum sur l’entrée de la Grande Bretagne dans la CEE. De cette façon il entend confir­mer sa légi­ti­mi­té et pro­vo­quer la divi­sion de la gauche puisque le PC est tra­di­tion­nel­le­ment oppo­sé à l’Europe. Le suc­cès du réfé­ren­dum (68% de oui mais 40% d’abstention) ne suf­fit pas à redon­ner une image de force au chef de l’État ; de plus l’esprit d’indépendance de Chaban-Delmas ne fait que com­pli­quer la situa­tion. Ainsi il “invite”son Premier ministre à démis­sion­ner (juillet 1972) pro­fi­tant du scan­dale que pro­duit la publi­ca­tion par le “Canard enchaî­né” (jour­nal sati­rique) des décla­ra­tions d’impôts du chef du gou­ver­ne­ment. Cet épi­sode montre que la pri­mau­té du pré­sident de la République dans le sys­tème gou­ver­ne­men­tal n’est pas remise en ques­tion et qu’elle reste fidèle à la tra­di­tion gaullienne.
    • Une poli­tique éco­no­mique réaliste
      Pompidou s’est tou­jours mon­tré beau­coup plus inté­res­sé à la poli­tique éco­no­mique que son pré­dé­ces­seur mais dans l’ensemble plus qu’innover radi­ca­le­ment, il pour­suit l’oeuvre qu’il avait com­men­cé quand il était le Premier ministre de De Gaulle. Son pre­mier tra­vail est de “liqui­der” les consé­quences de mai 1968. La volon­té de com­bler le défi­cit de la balance exté­rieure et celle de relan­cer la com­pé­ti­vi­té de la pro­duc­tion fran­çaise, imposent de déva­luer le franc (12%). Cette déva­lua­tion s’accompagne évi­dem­ment d’un plan d’austérité dont le but est de réta­blir l’équilibre bud­gé­taire. En quelques mois, ces mesures per­mettent de ralen­tir l’inflation et de faire pro­gres­ser les expor­ta­tions. Pompidou pra­tique aussi une poli­tique d’industrialisation basée sur deux points : le main­tien d’une forte expan­sion et la créa­tion de grands groupes indus­triels comme par exemple la SNIAS (aéro­nau­tique), Péchiney-Ugine-Kuhlmann (chi­mie, alu­mi­nium, cuivre). Dans le domaine aéro­nau­tique, il pour­suit la construc­tion du Concorde et annonce celle de l’Airbus, ses mesures com­pre­nant aussi la mise en place d’un vaste pro­gramme de télé­com­mu­ni­ca­tion et l’installation du com­plexe sidé­rur­gique de Fos-sur-mer.
    • Sur le plan exté­rieur, tout en pour­sui­vant la volon­té d’in­dé­pen­dance de la France, Pompidou est convain­cu de la néces­si­té euro­péenne sur le plan éco­no­mique ce qui per­met­tra l’é­lar­gis­se­ment de la CEE à la Grande Bretagne puis à l’ Irlande et au Danemark.
      • A son arri­vée au pou­voir en 1969, Georges Pompidou main­tient l’essentiel de l’héritage gaul­liste aussi bien pour les ins­ti­tu­tions que pour la poli­tique étran­gère. Il n’y a en effet aucun chan­ge­ment remar­quable des orien­ta­tions défi­nies par De Gaulle. La poli­tique de défense est tou­jours ins­pi­rée par la stra­té­gie de dis­sua­sion nucléaire (mise au point de la bombe à hydro­gène et construc­tion des pre­miers sous-marins nucléaires).
      • Si les rela­tions avec l’URSS conti­nuent à se ren­for­cer, Pompidou déclare net­te­ment que la France appar­tient à l’Ouest. Cela n’empêche pas Pompidou, lors de la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe (CSCE) de faire valoir le prin­cipe de la coopé­ra­tion entre Etats en matière de sécu­ri­té. Les Accords d’Helsinski en 1974 affirment l’intangibilité des fron­tières héri­tées de la guerre et la libre cir­cu­la­tion des hommes et des idées.
      • Pompidou et l’Europe
        En 1969, lors de la confé­rence de La Haye, le nou­veau pré­sident de la République Georges Pompidou pré­cise l’axe de sa poli­tique étran­gère fon­dée sur l’achèvement de la PAC, (Politique Agricole Commune), l’approfondissement des liens poli­tiques et éco­no­miques et l’élargissement de l’Europe à d’autres Etats. Il ne recule pas devant l’idée d’une confé­dé­ra­tion à long terme, avec un gou­ver­ne­ment supra­na­tio­nal. “[…] L’Europe, précise-t-il dans une confé­rence de presse de 1971, est pos­sible et néces­saire. […] Mais quelle Europe ? […] Il ne peut s’agir que de construire à par­tir de ce qui existe une confé­dé­ra­tion d’Etats déci­dés à har­mo­ni­ser leur poli­tique et à inté­grer leur éco­no­mie, et si on le prend ainsi, on s’aperçoit que la ques­tion de la supra­na­tio­na­li­té est une fausse que­relle. Si un jour, la confé­dé­ra­tion euro­péenne est une réa­li­té, il fau­dra bien qu’il y ait un gou­ver­ne­ment dont les déci­sions s’imposent à tous les Etats qui en sont membres”. C’est tou­jours à La Haye, que les chefs d’Etat ou de gou­ver­ne­ment de l’Europe des six prennent la déci­sion d’élargir le Marché Commun, la France levant son véto à l’entrée de la Grande Bretagne. Ce chan­ge­ment de la poli­tique fran­çaise répond sans doute au désir de rééqui­li­brer par le rap­pro­che­ment franco-britannique, l’entente exclu­sive avec l’Allemagne dont l’ouverture vers l’Est com­mence à inquié­ter la France. Pompidou main­tient tou­te­fois la règle de l’unanimité de l’accord quant aux déci­sions prises ou à prendre. En jan­vier 1970, un règle­ment agri­cole défi­ni­tif achève la construc­tion de l’Europe verte. Désormais le pré­sident Pompidou va en prio­ri­té s’efforcer de réa­li­ser l’union moné­taire euro­péenne, pour rendre plus soli­daires entre elles les éco­no­mies des Etats membres. En 1973, l’Europe s’est agran­die, outre la Grande Gretagne, de l’Irlande, du Danemark et de la Norvège. Dans la conti­nui­té de son pré­dé­ces­seur, Pompidou tient à ce que l’Europe garde une iden­ti­té propre face aux deux grandes puis­sances : “Je ne dis pas : se coupe, je dis : se dis­tingue de l’Amérique” (Conférence de presse de mai 1971).
      • À pro­pos du Tiers-Monde, G. Pompidou pour­suit la poli­tique de son pré­dé­ces­seur en mar­quant la posi­tion pro-arabe de la France dans le conflit du Proche-Orient, (Pompidou, en 1970, récla­me­ra la recon­nais­sance des droits poli­tiques pour les réfu­giés pales­ti­niens), mais en conser­vant aussi des rela­tions avec Israël. Ce souci de défen­seur du Tiers Monde se tra­duit aussi par la condam­na­tion de l’intervention amé­ri­caine dans le sud-est asia­tique, où les États-Unis viennent d’étendre le conflit au Cambodge. Poursuite donc de la poli­tique gaul­lienne de pres­tige et d’indépendance natio­nale à cette dif­fé­rence que le prag­ma­tisme et le sens de la mesure de Pompidou lui évi­te­ront les pro­cla­ma­tions tumul­tueuses de De Gaulle et lui feront conduire des actions plus en accord avec les moyens réels de la France. Si les rela­tions avec le Proche-Orient et les anciennes colo­nies sont au beau fixe (la France renonce au rem­bour­se­ment d’une par­tie des dettes afri­caines), celles avec l’Algérie se com­pliquent à cause du pétrole saha­rien, exploi­té conjoin­te­ment par le gou­ver­ne­ment algé­rien et les com­pa­gnies fran­çaises (rap­pe­lons que ces années sont celles du choc pétro­lier). Les deux pays rompent uni­la­té­ra­le­ment les négo­cia­tions enga­gées dès l’indépendance. Alger natio­na­lise le pétrole, le dia­logue entre dans une phase de gel.
        La mon­tée de la Gauche
        Le parti socia­liste, sous la hou­lette de 
        François Mitterand qui a refait son han­di­cap face au parti com­mu­niste crée avec celui-ci un “pro­gramme com­mun” de gou­ver­ne­ment en 1972. La mon­tée de la gauche va entraî­ner une vie poli­tique bipo­laire : l’op­po­si­tion Droite – Gauche et un ren­for­ce­ment du pou­voir per­son­nel de Georges Pompidou qui force à la démis­sion Jacques Chaban Delmas dont la poli­tique de réformes indis­pose de plus en plus le parti gaulliste.
        En Mars 1973, Georges Pompidou est brillam­ment réélu Président de la République
    • La crise et la mort du pré­sident.
      Avec l’arrivée de Pierre Messmer au gou­ver­ne­ment, l’Elysée reprend en main la situa­tion et le rôle du pré­sident de la République est réaf­fir­mé, non seule­ment dans l’apparente dyar­chie de l’Etat mais sur­tout dans la rela­tion avec l’Assemblée natio­nale. Ce retour au conser­va­tisme signi­fie l’abandon des ten­ta­tives libé­rales comme le sta­tut d’autonomie de l’ORTF (accor­dé par Chaban), la ces­sa­tion de l’ouverture sociale et du pro­ces­sus de par­ti­ci­pa­tion prôné par la “nou­velle socié­té” et tout cela au moment où la gauche vient de signer son Programme com­mun et à la veille des élec­tions légis­la­tives de mars 1973. .
      Le mécon­ten­te­ment aug­mente à cause des effets de la crise pro­vo­quée par le choc pétro­lier, après la 
      guerre du Kippour en octobre 1973. Pour la France, c’est le qua­dru­ple­ment de sa fac­ture pétro­lière et la hausse du prix de toute une gamme de sous-produits du pétrole très nom­breux dans l’industrie sans comp­ter les consé­quences directes sur les indus­tries et les sec­teurs qui en dépendent. Le gou­ver­ne­ment Messmer ne réagit pas et laisse aller une infla­tion qui attein­dra au début de 1974 le taux de 13%. La crois­sance éco­no­mique ralen­tit, le chô­mage aug­mente et natu­rel­le­ment les conflits sociaux se multiplient.
      Les Français apprennent la gra­vi­té de la mala­die du pré­sident que l’Elysée, depuis des mois, tente de mas­quer. A par­tir du prin­temps 1973, les effets de la mala­die s’aggravent, obli­geant le chef de l’Etat à ralen­tir sérieu­se­ment ses acti­vi­tés. Le 2 avril 1974, il décède.

La dis­pa­ri­tion du pré­sident Georges Pompidou, à 63 ans, coïn­cide en France avec la fin des “Trente glo­rieuses”, selon l’ex­pres­sion heu­reuse de l’é­co­no­miste Jean Fourastié pour dési­gner les 30 années de l’après-guerre. Mais plus que sa mort pré­ma­tu­rée, c’est la guerre du Kippour qui va inter­rompre le pro­ces­sus d’une embel­lie éco­no­mique et sociale sans pré­cé­dent. La guerre d’oc­tobre 1973 entre Israël et les pays arabes a été sui­vie d’un choc pétro­lier en rai­son de l’embargo sur le pétrole orga­ni­sé par les pays expor­ta­teurs. Il s’en­sui­vra pour cette rai­son une hausse bru­tale du chô­mage. L’année 1974 sera aussi mar­quée par un retour­ne­ment démo­gra­phique conco­mi­tant dans tous les pays d’Europe occi­den­tale. D’une année sur l’autre, les indices qui mesurent la fécon­di­té, c’est à dire le nombre moyen d’en­fants par femme, chutent de l’ordre de 10 à 20%.

gF

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