- Georges Pompidou qui avait succédé au Général de Gaulle suite à la démission de celui-ci en 1969 tentera avec Jacques Chaban-Delmas comme premier Ministre une politique de réformes : “la Nouvelle Société”.
Cette politique avait pour objectif de répondre aux aspirations de Nouveauté exprimées par Mai 1968 tout en poursuivant une politique de croissance industrielle forte (grands projets sidérurgiques à Dunkerque, à Fos…)- La “Nouvelle Société”
Chaban-delmas inaugure une politique sociale ambitieuse ; les leçons de mai 1968 n’ont pas été oubliées. Son gouvernement fait voter une loi en décembre 1969 qui accorde aux travailleurs le SMIC (salaire minimum interprofessionnel de croissance) qui remplacera le SMIG (salaire minimum interprofessionnel garanti) : dorénavant les salaires des moins favorisés seront indexés sur le taux de croissance. De plus, les salaires seront mensualisés. A ces dispositions, viendront s’ajouter les lois sur la formation professionnelle continue, le régime des retraites, la réduction du temps de travail. La volonté réformiste du gouvernement satisfait évidemment l’opinion publique mais elle est mal accueillie par les milieux politiques qui reprochent à Chaban-Delmas son ouverture à gauche. La politique menée aboutira en outre à une plus grande liberté de la presse, un pouvoir plus large accordé aux régions, des contacts réguliers entre l’État , les Syndicats et le Patronat (politique contractuelle), la création d’un ministère de l’environnement.
Son projet de “nouvelle société” présenté devant l’Assemblée nationale dénonce les rigidités sociales et un certain dirigisme étatique. En même temps, il veut faire évoluer la France vers une sorte de social-démocratie et propose une meilleure information des citoyens, une plus large concertation dans les entreprises, un renforcement des conventions collectives. Ce programme rompt avec la tradition du système qui laisse au seul chef de l’Etat le soin d’indiquer les grands axes de la politique gouvernementale. Mais la situation économique globale des pays de l’OCDE était en train de se modifier et la croissance industrielle s’essoufflait (1967 : 6,6%, 1971 : 4,8%): les signes avant coureur de la crise de 1973 – 1974 commençaient d’apparaître avec comme effet la montée continue du chômage.
Si la politique d’ouverture du Premier ministre tend à rallier le centre mais aussi une partie de la gauche modérée, les négociations entreprises par le PS et le PC en vue de signer un Programme commun de gouvernement signifient que désormais l’arrivée de la gauche au pouvoir n’est plus improbable. Pompidou comprenant le danger, décide de reprendre l’initiative en demandant aux Français de se prononcer par référendum sur l’entrée de la Grande Bretagne dans la CEE. De cette façon il entend confirmer sa légitimité et provoquer la division de la gauche puisque le PC est traditionnellement opposé à l’Europe. Le succès du référendum (68% de oui mais 40% d’abstention) ne suffit pas à redonner une image de force au chef de l’État ; de plus l’esprit d’indépendance de Chaban-Delmas ne fait que compliquer la situation. Ainsi il “invite”son Premier ministre à démissionner (juillet 1972) profitant du scandale que produit la publication par le “Canard enchaîné” (journal satirique) des déclarations d’impôts du chef du gouvernement. Cet épisode montre que la primauté du président de la République dans le système gouvernemental n’est pas remise en question et qu’elle reste fidèle à la tradition gaullienne. - Une politique économique réaliste
Pompidou s’est toujours montré beaucoup plus intéressé à la politique économique que son prédécesseur mais dans l’ensemble plus qu’innover radicalement, il poursuit l’oeuvre qu’il avait commencé quand il était le Premier ministre de De Gaulle. Son premier travail est de “liquider” les conséquences de mai 1968. La volonté de combler le déficit de la balance extérieure et celle de relancer la compétivité de la production française, imposent de dévaluer le franc (12%). Cette dévaluation s’accompagne évidemment d’un plan d’austérité dont le but est de rétablir l’équilibre budgétaire. En quelques mois, ces mesures permettent de ralentir l’inflation et de faire progresser les exportations. Pompidou pratique aussi une politique d’industrialisation basée sur deux points : le maintien d’une forte expansion et la création de grands groupes industriels comme par exemple la SNIAS (aéronautique), Péchiney-Ugine-Kuhlmann (chimie, aluminium, cuivre). Dans le domaine aéronautique, il poursuit la construction du Concorde et annonce celle de l’Airbus, ses mesures comprenant aussi la mise en place d’un vaste programme de télécommunication et l’installation du complexe sidérurgique de Fos-sur-mer. - Sur le plan extérieur, tout en poursuivant la volonté d’indépendance de la France, Pompidou est convaincu de la nécessité européenne sur le plan économique ce qui permettra l’élargissement de la CEE à la Grande Bretagne puis à l’ Irlande et au Danemark.
- A son arrivée au pouvoir en 1969, Georges Pompidou maintient l’essentiel de l’héritage gaulliste aussi bien pour les institutions que pour la politique étrangère. Il n’y a en effet aucun changement remarquable des orientations définies par De Gaulle. La politique de défense est toujours inspirée par la stratégie de dissuasion nucléaire (mise au point de la bombe à hydrogène et construction des premiers sous-marins nucléaires).
- Si les relations avec l’URSS continuent à se renforcer, Pompidou déclare nettement que la France appartient à l’Ouest. Cela n’empêche pas Pompidou, lors de la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe (CSCE) de faire valoir le principe de la coopération entre Etats en matière de sécurité. Les Accords d’Helsinski en 1974 affirment l’intangibilité des frontières héritées de la guerre et la libre circulation des hommes et des idées.
- Pompidou et l’Europe
En 1969, lors de la conférence de La Haye, le nouveau président de la République Georges Pompidou précise l’axe de sa politique étrangère fondée sur l’achèvement de la PAC, (Politique Agricole Commune), l’approfondissement des liens politiques et économiques et l’élargissement de l’Europe à d’autres Etats. Il ne recule pas devant l’idée d’une confédération à long terme, avec un gouvernement supranational. “[…] L’Europe, précise-t-il dans une conférence de presse de 1971, est possible et nécessaire. […] Mais quelle Europe ? […] Il ne peut s’agir que de construire à partir de ce qui existe une confédération d’Etats décidés à harmoniser leur politique et à intégrer leur économie, et si on le prend ainsi, on s’aperçoit que la question de la supranationalité est une fausse querelle. Si un jour, la confédération européenne est une réalité, il faudra bien qu’il y ait un gouvernement dont les décisions s’imposent à tous les Etats qui en sont membres”. C’est toujours à La Haye, que les chefs d’Etat ou de gouvernement de l’Europe des six prennent la décision d’élargir le Marché Commun, la France levant son véto à l’entrée de la Grande Bretagne. Ce changement de la politique française répond sans doute au désir de rééquilibrer par le rapprochement franco-britannique, l’entente exclusive avec l’Allemagne dont l’ouverture vers l’Est commence à inquiéter la France. Pompidou maintient toutefois la règle de l’unanimité de l’accord quant aux décisions prises ou à prendre. En janvier 1970, un règlement agricole définitif achève la construction de l’Europe verte. Désormais le président Pompidou va en priorité s’efforcer de réaliser l’union monétaire européenne, pour rendre plus solidaires entre elles les économies des Etats membres. En 1973, l’Europe s’est agrandie, outre la Grande Gretagne, de l’Irlande, du Danemark et de la Norvège. Dans la continuité de son prédécesseur, Pompidou tient à ce que l’Europe garde une identité propre face aux deux grandes puissances : “Je ne dis pas : se coupe, je dis : se distingue de l’Amérique” (Conférence de presse de mai 1971). - À propos du Tiers-Monde, G. Pompidou poursuit la politique de son prédécesseur en marquant la position pro-arabe de la France dans le conflit du Proche-Orient, (Pompidou, en 1970, réclamera la reconnaissance des droits politiques pour les réfugiés palestiniens), mais en conservant aussi des relations avec Israël. Ce souci de défenseur du Tiers Monde se traduit aussi par la condamnation de l’intervention américaine dans le sud-est asiatique, où les États-Unis viennent d’étendre le conflit au Cambodge. Poursuite donc de la politique gaullienne de prestige et d’indépendance nationale à cette différence que le pragmatisme et le sens de la mesure de Pompidou lui éviteront les proclamations tumultueuses de De Gaulle et lui feront conduire des actions plus en accord avec les moyens réels de la France. Si les relations avec le Proche-Orient et les anciennes colonies sont au beau fixe (la France renonce au remboursement d’une partie des dettes africaines), celles avec l’Algérie se compliquent à cause du pétrole saharien, exploité conjointement par le gouvernement algérien et les compagnies françaises (rappelons que ces années sont celles du choc pétrolier). Les deux pays rompent unilatéralement les négociations engagées dès l’indépendance. Alger nationalise le pétrole, le dialogue entre dans une phase de gel.
La montée de la Gauche
Le parti socialiste, sous la houlette de François Mitterand qui a refait son handicap face au parti communiste crée avec celui-ci un “programme commun” de gouvernement en 1972. La montée de la gauche va entraîner une vie politique bipolaire : l’opposition Droite – Gauche et un renforcement du pouvoir personnel de Georges Pompidou qui force à la démission Jacques Chaban Delmas dont la politique de réformes indispose de plus en plus le parti gaulliste.
En Mars 1973, Georges Pompidou est brillamment réélu Président de la République
- La crise et la mort du président.
Avec l’arrivée de Pierre Messmer au gouvernement, l’Elysée reprend en main la situation et le rôle du président de la République est réaffirmé, non seulement dans l’apparente dyarchie de l’Etat mais surtout dans la relation avec l’Assemblée nationale. Ce retour au conservatisme signifie l’abandon des tentatives libérales comme le statut d’autonomie de l’ORTF (accordé par Chaban), la cessation de l’ouverture sociale et du processus de participation prôné par la “nouvelle société” et tout cela au moment où la gauche vient de signer son Programme commun et à la veille des élections législatives de mars 1973. .
Le mécontentement augmente à cause des effets de la crise provoquée par le choc pétrolier, après la guerre du Kippour en octobre 1973. Pour la France, c’est le quadruplement de sa facture pétrolière et la hausse du prix de toute une gamme de sous-produits du pétrole très nombreux dans l’industrie sans compter les conséquences directes sur les industries et les secteurs qui en dépendent. Le gouvernement Messmer ne réagit pas et laisse aller une inflation qui atteindra au début de 1974 le taux de 13%. La croissance économique ralentit, le chômage augmente et naturellement les conflits sociaux se multiplient.
Les Français apprennent la gravité de la maladie du président que l’Elysée, depuis des mois, tente de masquer. A partir du printemps 1973, les effets de la maladie s’aggravent, obligeant le chef de l’Etat à ralentir sérieusement ses activités. Le 2 avril 1974, il décède.
- La “Nouvelle Société”
La disparition du président Georges Pompidou, à 63 ans, coïncide en France avec la fin des “Trente glorieuses”, selon l’expression heureuse de l’économiste Jean Fourastié pour désigner les 30 années de l’après-guerre. Mais plus que sa mort prématurée, c’est la guerre du Kippour qui va interrompre le processus d’une embellie économique et sociale sans précédent. La guerre d’octobre 1973 entre Israël et les pays arabes a été suivie d’un choc pétrolier en raison de l’embargo sur le pétrole organisé par les pays exportateurs. Il s’ensuivra pour cette raison une hausse brutale du chômage. L’année 1974 sera aussi marquée par un retournement démographique concomitant dans tous les pays d’Europe occidentale. D’une année sur l’autre, les indices qui mesurent la fécondité, c’est à dire le nombre moyen d’enfants par femme, chutent de l’ordre de 10 à 20%.
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