De Tocqueville et la Démocratie

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Dans ce livre impor­tant de Tocqueville, De la démo­cra­tie en Amérique – le second volume sur­tout, paru en1840 ‑Tocqueville ren­dait compte de ses obser­va­tions à par­tir de ce voyage aux États-Unis qui aura mar­qué toute sa vie et qu’il a fait entre 1831 et 1832, et ce qu’il avait obser­vé là-bas, ce qui l’a frap­pé, c’est le fait que la socié­té amé­ri­caine, démo­cra­tique, est orga­ni­sée struc­tu­rel­le­ment par ce qu’il appelle un fait géné­ra­teur de tous les autres qui est l’é­ga­li­té – qu’il consi­dère à la fois comme un prin­cipe, struc­tu­rant, mais aussi une pas­sion égalitaire.

Souvent, quand Tocqueville emploie le mot de démo­cra­tie, il pense d’a­bord à un état social et pas seule­ment à un régime poli­tique – bien qu’il y ait inter­ac­tion entre les deux dimen­sions. Ce fils de l’a­ris­to­cra­tie va être extrê­me­ment sen­sible à la manière dont ce prin­cipe orga­ni­sa­teur de l’é­ga­li­té propre à la socié­té démo­cra­tique influe non seule­ment sur toutes les ins­ti­tu­tions poli­tiques mais aussi forge un être humain nou­veau. En somme, naître dans une socié­té démo­cra­tique des­sine un être humain qui va fonc­tion­ner très dif­fé­rem­ment des socié­tés anté­rieures, tant sur le plan de sa sen­si­bi­li­té que sur le plan de ses idées que sur le plan de la manière dont il orga­nise ses rela­tions aux autres et évi­dem­ment, son rap­port au pou­voir et à l’or­ga­ni­sa­tion du gou­ver­ne­ment de la socié­té.
Agnès Antoine

Il s’a­git d’ex­pli­ci­ter un para­doxe : pour Tocqueville, la démo­cra­tie ce n’est pas seule­ment un régime poli­tique, c’est un état social. Par démo­cra­tie, il entend une mise en forme et en sens de toute l’ex­pé­rience humaine, un nou­vel homme, selon Françoise Mélonio, mais il la carac­té­rise com­ment cette démo­cra­tie ? Comme une éga­li­sa­tion pro­gres­sive des condi­tions, une révo­lu­tion, mais pas comme un moment mais comme un mou­ve­ment – un mou­ve­ment irré­ver­sible. Certes, les condi­tions ne sont pas égales, il y a des riches et des pauvres, et on vous explique aussi beau­coup que les inéga­li­tés se creusent dans les socié­tés contem­po­raines. Qu’en dit Tocqueville ? (Alain Finkielkraut)

Tocqueville n’ex­clut pas pas que les inéga­li­tés puissent se creu­ser quand il se demande s’il n’y aura pas une nou­velle aris­to­cra­tie manu­fac­tu­rière, c’est-à-dire au fond une prise de pou­voir par un petit nombre d’in­dus­triels avec un creu­se­ment des inéga­li­tés, mais cela lui paraît une évo­lu­tion mar­gi­nale face à une évo­lu­tion majeure qui est le pro­grès de l’i­ma­gi­naire éga­li­taire. Dans une socié­té dans laquelle, par ailleurs, les classes moyennes s’é­tendent, il y a de plus en plus la per­cep­tion que cha­cun d’entre nous est le sem­blable de l’autre.

Tocqueville n’est pas un pen­seur abs­trait, c’est un pen­seur incar­né, et d’une cer­taine façon, la repré­sen­ta­tion qu’il a de l’homme démo­cra­tique est une repré­sen­ta­tion de sa propre exis­tence. (…)
Françoise Mélonio

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