Faut-il être connaisseur pour apprécier une oeuvre d’art ?

Temps de lec­ture : 3 minutes

Ce sujet part d’un constat que tout le monde peut faire : il y a un hia­tus entre l’art et la connais­sance que l’on pos­sède à son sujet.
On peut être connais­seur de l’his­toire de l’art et ne pas savoir appré­cier l’art. On peut appré­cier l’art sans néces­sai­re­ment connaître son histoire.
Le sujet implique donc de ques­tion­ner le lien qui existe entre l’art et la connais­sance qu’on peut en avoir.
Le rap­port à l’art peut-il être pure­ment sub­jec­tif et sen­ti­men­tal ou est-il “intel­lec­tuel” ?
En fait, on le verra : ni l’un ni l’autre.

A – LES LIMITES DU SENTIMENT.

Il y a quelque chose de pro­fon­dé­ment sub­jec­tif dans le rap­port à l’art. Avoir un rap­port à l’art, c’est être capable de res­sen­tir quelque chose devant une oeuvre. C’est se lais­ser gagner par l’é­mo­tion qu’elle suscite.
Cet aspect sub­jec­tif du rap­port à l’art est d’au­tant plus impor­tant qu’il est confor­té par deux éléments :
_l’art, comme le disait Hegel, c’est de l’i­déal deve­nu sen­sible. Le génie de l’ar­tiste n’est pas d’a­voir des idées. Il réside dans le fait de les matérialiser.
_au départ, nous avons tous aimé avant de connaître. La connais­sance est l’ef­fet de l’a­mour, qui seul consti­tue l’o­ri­gine sen­sible du plai­sir. L’amour est donc bien la condi­tion de pos­si­bi­li­té de la connaissance.
Ceci dit, si il ne suf­fit pas de connaître pour aimer, quand on aime l’art, on cultive ce goût et donc, on cherche à le connaître en s’in­for­mant. En ce sens, la connais­sance his­to­rique et éru­dite est l’a­bou­tis­se­ment nor­mal du sentiment.

B – LES LIMITES DE LA CONNAISSANCE.

Ceci dit, si la connais­sance vient à l’ap­pui du sen­ti­ment, elle ne sau­rait le remplacer.
A son actif, il y a bien des rai­sons de la défendre. Aimer, cela s’ap­prend. Souvent, nous nous sommes mis à aimer des oeuvres parce qu’un connais­seur a su nous les faire voir en nous ouvrant à leur signification.
D’une façon géné­rale, un connais­seur recon­naît autant qu’il connaît, il sait recon­naître autant qu’il prend plai­sir à connaître.
Il sait donc dépas­ser les appa­rences et déni­cher les choses rares. L’art étant unique et rare, il faut donc être connaisseur.
Enfin, une oeuvre d’art n’a pas que du sens par rap­port à elle-même ou à nous. Elle en a parce qu’elle fait his­toire. Comme l’a dit Hegel elle fait événement.
Cela dit, il convient d’être pru­dent. La connais­sance peut être un piège. Connaître peut don­ner la ten­ta­tion d’a­bor­der l’art avec le pré­ju­gé du connais­seur qui croit connaître ou qui veut connaître.
Or, l’art ne doit-il pas être abor­dé sans pré­ju­gé ? Ne doit-il pas éton­ner ? N’est-il pas quelque chose qui nous apporte ce que l’on ne connais­sait pas en bous­cu­lant nos préjugés ?
Bref, être face à l’art c’est naître au monde ; comme l’a dit Bachelard, avoir un regard neuf. Aussi la connais­sance est-elle mise en échec.
Si l’art requiert qu’on s’é­duque tou­jours, ainsi que l’a vu Kant, il n’est pas une science.

C – ENTRE COEUR ET RAISON.

En ce sens, l’art est entre coeur et rai­son. Si le sen­ti­ment qu’on en a invite à se culti­ver, le fait de le connaître implique de se dépouiller du fait de vou­loir le connaître.
C’est là où il est sin­gu­lier. Entre coeur et rai­son, il nous enseigne un sen­ti­ment autre et une rai­son autre.
Kant, dans La cri­tique de la facul­té de juger , a vu dans cet état dans lequel l’art nous met, l’é­tat d’être pro­pre­ment humain.
Sans pas­ser par la rai­son, par la force uni­ver­sa­liste du concept, l’art
unit pour­tant les hommes qui se réunissent autour de lui dans la com­mu­nau­té d’un dis­cours sensible.
C’est là son aspect éton­nant : sa sin­gu­la­ri­té douée d’universalité.

Y M

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Programme d’Histoire des Terminales

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Et si vous chan­giez d’air ?

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