Fautes courantes en Français (02)

Temps de lec­ture : 8 minutes

Voici un nou­vel échan­tillon de ces fautes cou­rantes que l’on peut par­fois com­mettre, sou­vent en toute bonne foi, par simple mécon­nais­sance des règles.

Les expli­ca­tions que nous four­nis­sons sont fon­dées sur les recom­man­da­tions de l’Académie fran­çaise et des gram­mai­riens sou­cieux de pré­ser­ver le bon fran­çais, le fran­çais cor­rect. Bien sûr, nous ne sommes pas sans savoir qu’une langue évo­lue, mais nous pen­sons qu’il est légi­time de com­battre les dérives pernicieuses.

Expressions incor­rectes Expressions cor­rectes
À son encontre[1] À l’en­contre de X
Dans toute la mesure du possible[2] Dans la mesure du possible
Préjuger de quelque chose Préjuger quelque chose
Léa n’est pas prête de le faire Léa n’est pas près de le faire[3]
Présenter un examen Se pré­sen­ter à un examen
La presque totalité Presque[4] la totalité
La coha­bi­ta­tion des voi­tures et des vélos en ville[5] pose problème La coexis­tence des voi­tures et des vélos en ville pose problème
Prévenir de ce que Prévenir que
Une condi­tion primordiale[6] Une condi­tion essentielle
Une occa­sion à profiter Une occa­sion à saisir
Ce ciné­ma va réouvrir[7] Ce ciné­ma va rouvrir
Réaliser[8] Se rendre compte de quelque chose
Léo nous a amené des livres[9] Léo nous a appor­té des livres
Renseigner[10] un imprimé Remplir un imprimé
Je supporte[11] l’OM Je sou­tiens l’OM
Avoir le sens de la répartie[12] Avoir le sens de la repartie
Léo risque[13] de réussir Léo a des chances de réussir
Des pommes de terre en robe des champs Des pommes de terre en robe de chambre[14]
Homard à l’armoricaine Homard à l’américaine[15]
Voire même[16] Voire
Léo se déplace en vélo[17] Léo se déplace à vélo
Au jour d’aujourd’hui[18] Aujourd’hui ; de nos jours
Il a connu de nom­breux ava­tars durant son voyage[19] Il a connu de nom­breux inci­dents / pro­blèmes durant son voyage
Cette infor­ma­tion s’est avé­rée fausse[20] Cette infor­ma­tion s’est révé­lée fausse
Ma voi­sine a l’air idiot[21] Ma voi­sine a l’air idiote
Bouger les jambes[22] Remuer / agi­ter les jambes
Poursuivre un but[23] Chercher à atteindre un but / viser un but
On a célé­bré le début de la Première guerre mondiale[24] On a com­mé­mo­ré le début de la Première guerre mondiale
Ceci consti­tue une erreur[25] Ceci est une erreur
Il s’as­sit dans le canapé[26] Il s’as­sit sur le canapé
De par sa for­ma­tion, il a un bon travail[27] Par / en rai­son de / grâce à
Avez-vous audi­tion­né son der­nier disque ?[28] Avez-vous écou­té son der­nier disque ?
C’est de cela dont il a parlé[29] C’est cela dont il a parlé / C’est de cela qu’il a parlé
Pour ce qui me concerne En ce qui me concerne
Je vous serais gré[30] Je vous sau­rais gré
Vous avez cours à quel horaire ?[31] Vous avez cours à quelle heure ?
On a mis à jour de nou­veaux vestiges[32] On a mis au jour de nou­veaux vestiges
Pareil que Pareil à
Léo est parti pour une semaine[33] Léo s’est absen­té pour une semaine
La paru­tion d’un ouvrage La publi­ca­tion d’un ouvrage
Les per­son­nels arrivent au bureau à 9h[34] Le per­son­nel arrive au bureau à 9h
Comment est la météo, chez vous ?[35] Comment est le temps, chez vous ?
Acter[36] Faire
Il est ren­tré tôt, soi-disant pour travailler[37] Il est ren­tré tôt, cen­sé­ment pour travailler
Solution de continuité[38] Mesures pal­lia­tives ; moyens d’as­su­rer la continuité
Faire des dépenses somptuaires[39] Faire des dépenses excessives
Un espèce de restaurant[40] Une espèce de restaurant
On l’a appe­lé et il est arri­vé de suite[41] On l’a appe­lé et il est arri­vé tout de suite
Du temps de Au temps de
Avoir le temps maté­riel de faire quelque chose[42] Avoir le temps néces­saire de faire quelque chose
Avoir de la tension[43] Avoir une ten­sion élevée
Il y a un tiret à porte-monnaie ?[44] Il y a un trait d’u­nion à porte-monnaie ?
Je vien­drai vous voir bientôt[45] J’irai vous voir bientôt
Faire un cré­dit / faire un prêt[46] Faire un emprunt / deman­der un crédit
Il y avait une pléiade de vedettes[47] Il y avait de très nom­breuses vedettes
Affecter un poste / un bureau à quelqu’un[48] Attribuer un poste / un bureau à quelqu’un
Je suis exces­si­ve­ment occupé[49] Je suis très / énor­mé­ment occupé
Des mesures drastiques[50] Des mesures dra­co­niennes / rigoureuses
Cibler un objectif[51] Viser un objectif
Imiter un exemple Suivre un exemple

[1] Contrairement à ce que l’on pour­rait pen­ser de façon intui­tive, encontre n’est pas un nom, mais la forme ancienne (fin du Xe siècle) de la pré­po­si­tion contre. Depuis le temps, la conscience col­lec­tive a oublié ce fait et consi­dère qu’encontre est un nom. Comme il s’a­git d’une pré­po­si­tion, dire à son encontre est donc, d’un point de vue gram­ma­ti­cal, aussi étrange que, par exemple, à son sur, à son chez, etc.

[2] La mesure du pos­sible indi­quant déjà que l’on va faire son maxi­mum pour quelque chose, ajou­ter toute appa­raît comme pléonastique.

[3] Le contraire étant Léa est loin de le faire, on voit bien que l’ad­jec­tif prêt n’est pas à uti­li­ser ici.

[4] Presque est un adverbe ; il ne peut donc se trou­ver entre un déter­mi­nant et un nom.

[5] La coha­bi­ta­tion est le fait d’ha­bi­ter ensemble, de par­ta­ger un lieu de vie.

[6] Primordial a pour pre­miers sens “ori­gi­nel”, “pri­mi­tif”, dif­fé­rents de celui d’essen­tiel.

[7] Si le nom réou­ver­ture est tout à fait cor­rect, il est en effet curieux que son verbe cor­res­pon­dant ne soit pas réou­vrir mais bel et bien rou­vrir. Réouvrir a été fait d’a­près réou­ver­ture, mais l’Académie le condamne, ne serait-ce que parce que rou­vrir existe depuis le XIIe siècle et qu’il convient très bien.

[8] Probablement l’un des angli­cismes les plus affreux. Le fran­çais réa­li­ser signi­fie “faire exis­ter, accom­plir quelque chose, créer”, donc “rendre réel”. Le sens “se rendre compte de” fut emprun­té à l’an­glais vers 1850. Toutefois, ce n’est pas parce qu’une sot­tise est ancienne qu’il faut la maintenir …

[9] Théoriquement, on devrait réser­ver mener, ame­ner, emme­ner pour les phrases dont le COD est un humain. Pour celles dont ce même COD est un inani­mé, on se ser­vi­ra de la série por­ter, appor­ter, empor­ter.

[10] Le COD de ren­sei­gner peut être uni­que­ment un humain, car seuls les humains peuvent deman­der des renseignements …

[11] Supporter avec le sens d’ “encou­ra­ger, être par­ti­san de” est un angli­cisme. Pour cette rai­son, il vaut mieux uti­li­ser le fran­çais sou­te­nir, qui a bien, entre autres, ce sens d’ “encou­ra­ger”. Toutefois, il vaut mieux gar­der supporte(u)r pour dési­gner la per­sonne qui sou­tient, car le fran­çais sou­te­neur a un sens bien dif­fé­rent : il paraît en effet dif­fi­cile de dire Les sou­te­neurs emplissent le stade de leurs chants. Parfois, l’an­glais peut se mon­trer utile …

[12] L’erreur est extrê­me­ment répan­due, mais c’est bel et bien repar­tie qui est cor­rect. Répartie a été créé pro­ba­ble­ment par attrac­tion à la fois paro­ny­mique et séman­tique de réplique.

[13] Risquer a des conno­ta­tions néga­tives puis­qu’il signi­fie “cou­rir un risque, s’ex­po­ser à un dan­ger”. Il ne faut donc pas l’u­ti­li­ser avec un verbe ou tout autre com­plé­ment qui pré­sente, lui, des conno­ta­tions posi­tives, comme réus­sir.

[14] Pomme de terre en robe de chambre est l’ex­pres­sion la plus ancienne des deux, la ver­sion en robe des champs étant une alté­ra­tion de la première.

[15] Homard à l’a­mé­ri­caine est l’ex­pres­sion la plus ancienne ; la ver­sion à l’ar­mo­ri­caine est ce que l’on appelle en lin­guis­tique une cor­rup­tion de la première.

[16] Voire a d’a­bord signi­fié “vrai­ment, véri­ta­ble­ment, en vrai”. Puis il prit le sens de “même”. C’est pour cette rai­son que, de nos jours, voire même est un pléonasme.

[17] On uti­lise à pour les moyens de trans­port sur les­quels on se trouve : à vélo, à che­val, à skis, etc. En, pour sa part, accom­pagne les moyens de trans­port à l’in­té­rieur des­quels on est : en train, en bateau, en avion, en voi­ture, etc.

[18] On a beau­coup écrit sur cette expres­sion. Rappelons qu’elle est tri­ple­ment pléo­nas­tique. En effet, aujourd’­hui est déjà un pléo­nasme en lui-même puis­qu’il contient les noms jour et hui, ancien nom qui signi­fiait “ce jour”. Ajouter au jour d’ intro­duit en quelque sorte un troi­sième jour, ce qui fait vrai­ment beau­coup trop.

[19] Avatar a été emprun­té au sans­krit avatā­ra qui désigne, selon la défi­ni­tion du TLFI, la “des­cente sur terre d’êtres supra­ter­restres s’in­car­nant dans des formes variées ainsi que leur mani­fes­ta­tion”. On peut rai­son­na­ble­ment pen­ser que l’at­trac­tion paro­ny­mique a abou­ti à la confu­sion entre ava­tar et aven­ture, plus par­ti­cu­liè­re­ment aven­ture désa­gréable.

[20] Avérer remon­tant en der­nier res­sort au latin verus “vrai”, il est para­doxal, sinon oxy­mo­rique, de faire suivre avé­rer de faux.

[21] Ici, c’est la locu­tion ver­bale avoir l’air qui est uti­li­sée. Donc l’ad­jec­tif, en posi­tion d’at­tri­but, s’ac­corde avec le sujet. Toutefois, lorsque l’ad­jec­tif a un com­plé­ment, il ne s’a­git plus de l’ex­pres­sion avoir l’air mais du simple verbe avoir, comme dans la phrase sui­vante : ma voi­sine a l’air idiot de ceux qui ne com­prennent rien.

[22] Normalement, bou­ger est intran­si­tif. C’est par abus qu’il est deve­nu transitif.

[23] Un but étant un objet, une cible fixes, il paraît dif­fi­cile de le pour­suivre, c’est-à-dire d’être en mou­ve­ment der­rière lui, même métaphoriquement …

[24] On célèbre les évé­ne­ments gais ; les autres doivent être commémorés.

[25] Le sens de consti­tuer est : “éta­blir quelque chose selon des formes légales” (cf. consti­tu­tion). Mais on entend de plus en plus consti­tuer à la place d’être ou de faire. Peut-être ceux-ci sont-ils trop simples ?

[26] On s’as­soit sur un cana­pé, une chaise, un pouf, etc., et exclu­si­ve­ment dans un fau­teuil.

[27] Encore une inflam­ma­tion du lan­gage moderne, par ayant pro­ba­ble­ment été jugé trop bref. Pour faire bien, de nos jours, il faut faire long.

[28] On n’au­di­tionne pas un objet mais une personne.

[29] Redondance : dont contient déjà de, puis­qu’il pro­vient du latin de unde. Inutile donc de créer un pléo­nasme gram­ma­ti­cal en uti­li­sant de et dont dans la même phrase.

[30] On “n’est pas” gré à quel­qu’un de quelque chose, mais on lui “sait” gré.

[31] Un horaire est, nor­ma­le­ment, une liste d’heures aux­quelles un évé­ne­ment ou un fait a lieu (exemple : l’ho­raire des trains). Dire horaire pour heure est un nou­vel exemple de sub­sti­tu­tion d’un mot long à un mot jugé trop court.

[32] Mettre à jour, c’est “actua­li­ser”. Mettre au jour, c’est “por­ter à la connais­sance, à la lumière, découvrir”.

[33] Normalement, par­tir ne doit pas ren­voyer à un com­plé­ment de temps, mais de lieu.

[34] Le per­son­nel, au sin­gu­lier, est un nom col­lec­tif qui désigne l’en­semble des per­sonnes tra­vaillant dans une entre­prise don­née. On ne peut en aucun cas le mettre au plu­riel et donc dire un per­son­nel pour un employé, un sala­rié, etc.

[35] La météo­ro­lo­gie est la science qui étu­die les phé­no­mènes atmo­sphé­riques et qui pré­voit le temps à venir. Très sou­vent, on confond la science et son objet d’é­tude, comme ici la météo et le temps.

[36] Acter est un verbe du domaine juri­dique qui signi­fie “noter quelque chose dans un acte offi­ciel”. C’est très abu­si­ve­ment qu’on l’emploie de nos jours avec le sens de faire. Probablement a‑t-il des allures plus chic que ce dernier …

[37] Cette uti­li­sa­tion adver­biale de soi-disant est abu­sive, car soi-disant est une locu­tion adjec­ti­vale qui com­mute avec pré­ten­du, censé, pré­su­mé, etc.

[38] L’expression solu­tion de conti­nui­té signi­fie en réa­li­té “sépa­ra­tion, divi­sion de par­ties d’une chose abs­traite ou concrète” (TLFI). Le contre­sens qui en est fait aujourd’­hui vient de ce que l’on a com­pris solu­tion comme étant en rap­port avec le verbe résoudre. Or, c’est le sens “dis­so­lu­tion, désa­gré­ga­tion” de solu­tion qui est à l’œuvre dans cette locu­tion. Une solu­tion de conti­nui­té est donc une rup­ture dans la conti­nui­té. Notons l’ex­pres­sion du XVIe siècle, solu­tion de mariage, qui signi­fiait “divorce”.

[39] Somptuaire signi­fie “rela­tif à la dépense”. De ce fait, dépenses somp­tuaires est un pléonasme.

[40] Même s’il est suivi d’un nom mas­cu­lin, espèce est et reste un nom féminin.

[41] De suite signi­fie “à la file, l’un après l’autre”. Si l’on dit Léa a lu deux maga­zines de suite, cela signi­fie “Léa a lu deux maga­zines l’un après l’autre, sans interruption”.

[42] Par défi­ni­tion, le temps est immatériel …

[43] Tout être vivant a de la ten­sion. Sinon, il n’est plus vivant.

[44] Le tiret est le signe typo­gra­phique qui per­met d’en­ca­drer du texte en le déta­chant du conte­nu prin­ci­pal, à l’ins­tar des paren­thèses, ou de cou­per un mot en fin de ligne. Le trait d’u­nion, comme son nom l’in­dique, unit deux ou plu­sieurs mots.

[45] Venir doit s’u­ti­li­ser lorsque le mou­ve­ment se fait vers la per­sonne qui parle, et aller lors­qu’il y a éloignement.

[46] C’est le ban­quier qui fait cré­dit, non le demandeur.

[47] Les Pléiades, filles d’Atlas et petites-filles de Zeus, étaient seule­ment sept. Dire une pléiade de pour un grand nombre de est donc para­doxal. Et fau­tif. Et abusif.

[48] Affecter a trois sens : “émou­voir”, “des­ti­ner une chose à un usage déter­mi­né”, “dési­gner quel­qu’un à un poste ou à un lieu de tra­vail”. On voit donc que l’on n’af­fecte pas quelque chose à quelqu’un.

[49] Excessivement se rap­porte à l’ex­cès et signi­fie donc “trop”.

[50] À l’o­ri­gine, dras­tique “qui a un effet très éner­gique” est un terme du lexique médi­cal et concerne uni­que­ment les pur­ga­tifs. Il s’a­git pro­ba­ble­ment d’un angli­cisme, car dras­tic signi­fiait déjà “éner­gique” en anglais avant que l’ad­jec­tif fran­çais acquière éga­le­ment ce sens. Nous ne ferons aucun jeu de mots sur les mesures dras­tiques que cer­tains prennent, dans tel ou tel domaine …

[51] Cibler signi­fie “lan­cer quelque chose sur quel­qu’un comme sur une cible, viser”. On ne peut donc “lan­cer un objectif”.

[52] La coha­bi­ta­tion est le fait d’ha­bi­ter ensemble, de par­ta­ger un lieu de vie.

Françoise Nore

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