Au seuil du conflit, une parole ambiguë
Régulièrement, dans l’architecture de la pièce, les monologues encadrent les scènes dialoguées. Cette deuxième partie ne fait pas exception. Louis continue ici de jouer son rôle de maître de cérémonie, de narrateur : c’est lui, mort, déjà, ou peut-être pas, qui nous raconte cette histoire, qui nous en livre les scènes.
Ce statut très particulier n’est pas sans évoquer le rhapsode de l’antiquité. Interlocuteur de Socrate dans Ion de Platon, le rhapsode déclame des épopées, alternant sans cesse entre posture de narrateur et incarnation des personnages. Le chercheur en études théâtrales, Jean-Pierre Sarrazac, a fait du rhapsode une figure centrale pour comprendre la complexité des drames modernes2. C’est bien cette figure que nous retrouvons en Louis, à la fois personnage et conteur, capable de s’adresser directement au public pour lui exposer sa vision des faits, son ressenti. Dès le commencement de cette deuxième partie, Louis nous raconte son départ : celui, bien sûr, de la maison, mais aussi, celui, plus métaphorique, de sa mort prochaine. Il part donc, Louis, et il nous le dit, tout en soulignant également son échec. Qu’un personnage raconte n’a rien
d’étonnant en soi. Il s’agit même d’une fonction conventionnelle du monologue. Cependant ce récit s’avère complexe, voire mystérieux, tant il joue de la confusion des temps et des statuts.