Dès la Préhistoire, les hommes brûlent des plaines ou abattent des arbres pour créer des zones de culture. Alors que le christianisme et la féodalité se développent au Moyen Âge, une nouvelle perception de l’espace sauvage se met en place.
Histoire de l’écologie politique : quelles relations liaient nos ancêtres du Moyen Âge avec ce que nous appelons aujourd’hui “la nature” ? C’est une histoire avec des loups, des ours et des aurochs ; c’est une histoire avec des forêts défrichées et des espaces sauvages ; c’est une histoire avec une lecture religieuse de la nature, teintée de surnaturel, mais avec aussi de solides connaissances sur ce qui nous entoure. Alors, fallait-il se prémunir de la nature, la protéger, ou simplement l’exploiter ? Xavier Mauduit
Si les origines de la crise écologique actuelle sont souvent reliées aux développements de la science, de la technique et surtout de l’industrialisation au XIXe siècle, les rapports entre l’homme et son environnement avant le XIXe siècle sont encore trop rarement envisagés dans le débat public. Avant le XIXe siècle, et notamment au Moyen Âge, les hommes vivaient-ils en parfaite harmonie avec la “nature” ? Étaient-ils, comme des animaux sauvages, soumis à ses cataclysmes et à son bon vouloir ?
Dans les textes du haut Moyen Âge, le mot « nature » relève davantage de la pensée philosophique, de la théologie, que d’une définition du monde physique tel qu’on le conçoit aujourd’hui. Le terme “natura” va être utilisé plutôt à la fin du XIIIe siècle. Dans “Le Roman de la rose”, Dame nature est une allégorie qui incarne les éléments naturels et qui en fait une espèce de principe. À la fin du XIIIe siècle, au moment où on a réinvesti les connaissances antiques, notamment d’Aristote et la mécanique du monde, la nature est pensée comme un corpus d’éléments agissant en autonomie, avec leur système et leurs règles, mais toujours liés à la création divine. Fabrice Guizard
Bien sûr, il n’en est rien : l’aménagement de l’environnement par l’homme remonte au moins à l’Antiquité. Au Moyen Âge, en particulier, émergent de nouvelles manières de penser les rapports de l’homme à la nature, liées au développement du christianisme, du système féodal ou encore des puissances étatiques. Ces approches médiévales de l’environnement sont-elles prédatrices, productivistes, protectionnistes voire écologistes ? Nous en parlons avec nos invités Pauline Guéna et Fabrice Guizard.
Le Moyen Âge s’ouvre sur une déstructuration de l’Empire romain. On a une sorte de relocalisation des productions, en tout cas, une baisse du commerce. Le couvert forestier, sans devenir l’espèce de forêt chevelue qu’on a imaginée, doit croître jusqu’au début du VIe siècle. La croissance reprend vers le VIIe siècle, la féodalité met un vrai coup d’accélérateur puisque chaque petit seigneur terrien, qui hérite son fief de la déstructuration de l’Empire carolingien, a intérêt à en tirer le maximum.
Au XIIIe siècle, on a un monde “plein”. L’Occident est beaucoup plus peuplé. Pour se donner une idée, il y aurait vingt millions d’habitants dans les frontières de la France actuelle. À ce moment-là, il y a de vrais progrès de l’agriculture, un aménagement de l’espace complet, des polders, des cours d’eau de plus en plus exploités, des assèchements des terres de plus en plus nombreux, etc. Le monde est si plein qu’on repousse le bétail vers des terres de moins bonne qualité. Les gens recommencent à avoir faim, des famines réapparaissent. En 1347 survient la peste. Près d’un tiers de la population aurait disparu. Mais la peste n’est pas un choc suffisant pour endiguer cette croissance, qui reprend dès le XVe siècle. Pauline Guéna