Le théâtre médiéval

Temps de lec­ture : 3 minutes

Tout d’abord, il ne faut point se las­ser de répé­ter que le Moyen-âge ne fut point une époque triste, comme d’aucuns s’obstinent à le pré­tendre ; et le peuple pari­sien ne cesse point de se moquer de tout. Il immor­ta­lise la Farce même aux murs des cathé­drales. Son iro­nie n’épargne ni le Christ, ni les Saints, ni la Vierge, pour­tant si fêtée.
Les pre­miers mettent en scène, au milieu d’un car­re­four, sur un écha­faud, arti­sans avec leurs ins­tru­ments, méde­cins avec leurs fioles, gens d’Église avec leurs chapes, gens de jus­tice avec leurs écri­toires, gens de guerre avec leurs épées. C’est un dérou­le­ment de comiques de situa­tions, un récit de vives raille­ries. Le renard, ani­mal rusé, sour­nois et preste, est le plus sou­vent le prin­ci­pal acteur.
On le voit suc­ces­si­ve­ment appren­ti, gar­çon, maître, chef de jurande, apo­thi­caire, chi­rur­gien, avo­cat, juge, moine, pape, mais ne ces­sant jamais d’être renard, tou­jours gam­ba­dant, tou­jours sau­tant, en quête de méfaits et de drô­le­ries. Toute la ville vient l’applaudir. Jusqu’au soir il se démène ainsi, déchaî­nant I‘ivrognerie et la luxure.
Les mys­tères pieux étaient , eux, consa­crés à la vie du Christ, aux légendes bibliques, à la glo­ri­fi­ca­tion de Dieu le Père. Commencés avec quelque gra­vi­té. Ils engen­draient bien­tôt éga­le­ment mille bouffonneries.
La scène
Elle était tou­jours ins­tal­lée au-dessus d’un écha­faud très élevé ados­sé géné­ra­le­ment contre la façade d’une mai­son. De grandes toiles peintes figu­raient une mai­son, un bois ou un palais. On les fai­sait des­cendre d’une char­pente dis­po­sée en forme de cintre et sou­vent des outils, des meubles ajou­taient au réa­lisme de la scène.
Pour les mys­tères pieux. la déco­ra­tion sui­vait une règle précise.
Il y avait trois écha­fauds super­po­sés repré­sen­tant l’enfer, le pur­ga­toire et le ciel. Dans le bas se trou­vait l’enfer, figu­ré par une énorme gueule de diable, rouge, velue, et entou­rée de dia­blo­tins cra­chant du feu. Au milieu. C’était le pur­ga­toire. Le décor était moins ter­rible il s’harmonisait avec le véné­rable Adam et l’accorte Ève. Dans le haut enfin, le décor repré­sen­tait le ciel. On y voyait, peints sur la toile, des nuages, des anges, et, assis au beau milieu, Dieu le Père, qu’ entou­raient des Saints à la longue barbe.
Ces trois décors res­taient immo­biles. Ils étaient fixés sur des char­pentes au tra­vers des­quelles grim­paient des esca­liers pour per­mettre L’ascension de l’âme qui par­tie de l’état de péché, arri­vait à la féli­ci­té céleste. Devant cha­cun des trois décors une vraie scène aussi s’étendait ; car les acteurs étaient nom­breux et sou­vent on fai­sait figu­rer des ani­maux, comme la vache de Bethléem ou bien encore l’ânesse de Balaam.
Les char­pen­tiers dres­saient et ren­daient, aisé­ment pra­ti­cables ces trois échafauds.
Les représentations
Au début, la repré­sen­ta­tion des mys­tères pieux avait été le pri­vi­lège exclu­sif des Confrères de la Passion, tan­dis que les mora­li­tés (com­po­si­tions scé­niques, où figu­raient des idées abs­traites per­son­ni­fiées) étaient, jouées par les clercs de la basoche ; mais bien­tôt, les mora­li­tés ayant fait place A la farce et à la sotie, mora­li­tés et mys­tères furent repré­sen­tés par les pre­miers venus.
Ce fut certes beau­coup plus gai ; car ces acteurs impro­vi­sés ne pre­naient nul soin de se gri­mer. Alors toute l’assistance recon­nais­sait l’épicier, le sel­lier. le bar­bier, qui de bonne volon­té, tenaient les rôles, s’esclaffait et inter­pel­lait de répar­ties, vives et drues, le mal­heu­reux Barrabas ou le Christ lui- même.
La grosse gaie­té du peuple se don­nait libre cours. Sans souci du drame repré­sen­té même
quand Marie-Madeleine pleu­rait aux pieds du Christ, on criait à l’un des acteurs d’aller retrou­ver sa femme qui était en train de le trom­per ou bien à un autre de se sau­ver vite parce que ses chausses brû­laient. Souvent aussi l’ânesse de Balaam refu­sait de tra­ver­ser la scène ou encore la vache, sans souci du lieu, s’oubliait. Alors c’était un vaste éclat de rire.
Entraînés, les acteurs bien­tôt fai­saient de même. Ils lan­çaient à leur tour des apos­trophes aux spec­ta­teurs, et mêlée des quo­li­bets deve­nait géné­rale. Il y avait certes des esprits déli­cats et let­trés qui vou­laient réagir, mais ils ne pou­vaient rien contre le goût de bouf­fon­ne­rie de la foule.

Notes :
Farce : Pièce de Théâtre bouf­fonnne, d’un comique un peu gros­sier, qui pré­fi­gure la comé­die de moeurs. La farce de maître Pathelin
Sotie : (ou sot­tie) Farce sati­rique où les acteurs por­taient des cos­tumes de sots
Moralité ; : Petite allé­go­rie en vers jouée dans un but édifiant.
Mystère : Au Moyen-Age, drame reli­gieux trai­tant des miracles de la Passion du Christ, de la vie des saints, qui se jouait géné­ra­le­ment sur le par­vis des Eglises

A.N.I

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