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LIBERTÉ D’EXPRESSION EN FRANCE

Temps de lec­ture : 5 minutes

La liber­té d’expression consti­tue l’un des fon­de­ments essen­tiels d’une socié­té démo­cra­tique, l’une des condi­tions pri­mor­diales de son pro­grès et de l’épanouissement de cha­cun » selon la Cour euro­péenne des droits de l’homme (Handyside contre Royaume-Uni, 1976).

GARANTIES NÉCESSAIRES À LA LIBERTÉ D’EXPRESSION

Les textes garantissant la liberté d’expression

La liber­té d’expression est garan­tie par de nom­breux textes.

La pre­mière pro­cla­ma­tion de la liber­té d’expression date de 1776, date à laquelle les Etats-Unis adoptent leur Constitution. En France, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) de 1789 repren­dra ce droit fon­da­men­tal, qui relève de valeurs aussi bien laïques que démo­cra­tiques. Libérés de l’emprise monar­chique, les fran­çais veulent s’é­man­ci­per de l’oppression qu’ils ont connue ; ils veulent pou­voir par­ler, s’exprimer, et faire connaitre leurs opi­nions sans res­tric­tion. C’est ainsi que l’article 11 de la décla­ra­tion dis­pose que « tout citoyen peut donc par­ler, écrire, impri­mer librement ».

La DDHC étant insé­rée dans le pré­am­bule de la Constitution de 1958, elle dis­pose depuis une déci­sion du Conseil Constitutionnel d’une valeur consti­tu­tion­nelle. Ainsi, la liber­té d’expression a une valeur impor­tante et doit être garan­tie par les pou­voirs publics.

Parallèlement à la liber­té d’expression dans sa stricte défi­ni­tion, d’autres liber­tés viennent s’ajouter afin de faci­li­ter sa mise en appli­ca­tion. Le champ d’application de la liber­té d’expression est large, et se confond avec d’autres liber­tés. En effet, la mise en œuvre de la liber­té d’expression repose notam­ment sur la liber­té offerte aux médias, et donc à la presse, comme à Internet. Elle a été garan­tie par la loi du 29 juillet 1881 qui retire les obli­ga­tions d’autorisations préa­lables à la dif­fu­sion. Régi par la loi du 21 juin 2004, Internet, cet outil per­met la com­mu­ni­ca­tion inter­na­tio­nale en très peu de temps et consti­tue donc un élé­ment indis­pen­sable à la garan­tie de la liber­té d’expression.

Autres coro­laires de la liber­té d’ex­pres­sion, les liber­tés col­lec­tives. Les mani­fes­ta­tions et les réunions sont ainsi auto­ri­sées et per­mettent d’exer­cer sa liber­té d’ex­pres­sion. Les réunions ne font l’objet d’aucune décla­ra­tion préa­lable et sont rela­ti­ve­ment libres. Dans le cadre des mani­fes­ta­tions règle­men­tées par le décret-loi du 23 octobre 1935, celles-ci doivent faire l’objet d’une décla­ra­tion préalable.

Enfin la liber­té d’expression est éga­le­ment garan­tie par la Convention euro­péenne des droits de l’homme. L’article 10 regroupe « la liber­té d’o­pi­nion et la liber­té de rece­voir ou de com­mu­ni­quer des infor­ma­tions ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingé­rence d’au­to­ri­tés publiques et sans consi­dé­ra­tion de fron­tière ».

La liber­té d’expression est donc garan­tie par un cer­tain nombre de droits dont le citoyen peut se pré­va­loir direc­te­ment en France.

La démocratie, corolaire de la liberté d’expression

Le prin­cipe démo­cra­tique repose sur la liber­té de chaque citoyen d’exprimer ses idées, ses opi­nions. La démo­cra­tie exige donc que cha­cun tente de convaincre les autres, échange avec les autres, et s’exprime avec les autres.

La démo­cra­tie consti­tue un socle de la liber­té d’expression. Elle offre le cadre per­met­tant une libre expres­sion des opi­nions poli­tiques, les débats consti­tuant le fon­de­ment de la démo­cra­tie. La liber­té d’expression repose donc sur la diver­si­té, les anta­go­nismes. Elle appelle donc à un res­pect d’autrui afin que cha­cun puisse vivre sa citoyen­ne­té de manière libre et égalitaire.

ATTEINTES À LA LIBERTÉ D’EXPRESSION

La limitation générale à la liberté d’expression

La liber­té d’expression est garan­tie, mais elle n’est pas abso­lue et des limi­ta­tions sont néces­saire afin d’assurer le res­pect de l’ordre public. En effet, selon l’adage « la liber­té des uns s’arrête où com­mence celle des autres », toute liber­té ne peut être entiè­re­ment satis­faite. Il est donc impor­tant de poser des limites à toute liber­té, sans les­quelles aucune des liber­tés ne peut réel­le­ment s’exercer.

Si l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen éta­blit des droits, il éta­blit éga­le­ment des limites : « Nul ne doit être inquié­té pour ses opi­nions, même reli­gieuses, pour­vu que leur mani­fes­ta­tion ne trouble pas l’ordre public éta­bli par la loi. » Ainsi, la pré­ser­va­tion de l’ordre public jus­ti­fie la limi­ta­tion de la liber­té d’expression, bien que la notion d’ordre public soit une quelque peu vague, et dont les contours res­tent peu clairs.

L’article 2212 du Code géné­ral des col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales le défi­nit par les termes de sécu­ri­té, de salu­bri­té et de sûre­té publique. Cette notion s’applique donc de manière souple en rai­son de l’imprécision du texte. En fonc­tion des périodes, la notion sera donc inter­pré­tée dif­fé­rem­ment. Aussi, on peut se fon­der sur la notion de mora­li­té pour limi­ter la liber­té d’expression. Cette der­nière notion est en effet impor­tante puisqu’elle consti­tue un élé­ment consti­tu­tif de la notion d’ordre public. La mora­li­té est cepen­dant une notion vague qui doit pour­tant se fon­der sur des cir­cons­tances concrètes et non abs­traites ; étant une notion col­lec­tive, la mora­li­té jus­ti­fie de manière large la limi­ta­tion des libertés.

De même, la notion de « dif­fa­ma­tion » per­met de por­ter atteinte à la liber­té d’ex­pres­sion afin de pro­té­ger les per­sonnes visées.

L’article 10 de la Convention euro­péenne des droits de l’homme affirme ainsi : « L’exercice de ces liber­tés com­por­tant des devoirs et des res­pon­sa­bi­li­tés peut être sou­mis à cer­taines for­ma­li­tés, condi­tions, res­tric­tions ou sanc­tions pré­vues par la loi, qui consti­tuent des mesures néces­saires […] ». Ainsi, la liber­té d’expression ne doit pas mettre en place des seuls droits, mais doit émettre des devoirs afin que cha­cun puisse exer­cer ses droits de la manière la plus libre pos­sible. Il faut donc néces­sai­re­ment que des atteintes soient por­tées à la liber­té d’expression. Ainsi, la liber­té d’expression n’est pas garan­tie pour tous. Il en est ainsi des hauts fonc­tion­naires, sou­mis à l’obligation de réserve (magis­trats, membres du Conseil d’Etat…). La juris­pru­dence par­ti­cipe à la fixa­tion des limites : Dame Kowalewski, 1955, CE ; en l’espèce, un agent de la poste par­ti­ci­pait à une mani­fes­ta­tion inter­dite par le Gouvernement.

Limitations plus spécifiques à la liberté d’expression

Les divers moyens per­met­tant la liber­té d’expression font l’objet de limi­ta­tions. Ainsi, la presse doit par­fois limi­ter les pro­pos tenus dans ses articles en rai­son notam­ment des délits de pro­vo­ca­tion à la haine et de dis­cri­mi­na­tion raciale. La loi Gayssot de 1990 inter­dit ainsi par exemple la néga­tion du géno­cide juif. Dans un autre contexte, un texte punit éga­le­ment « l’of­fense au Président de la République ».

Certains ont mis en cause les limi­ta­tions à la liber­té d’ex­pres­sion de la presse. Ainsi, en 2015, l’annonce de la sup­pres­sion des “Guignols” sur Canal + avait pro­vo­qué de vives réac­tions, cer­tains dénon­çant une “attaque contre la liber­té de pen­ser”. De la même façon, en 2015, le chro­ni­queur d’une radio dénon­çait un « boy­cott puni­tif » de la part du minis­tère, allant jusqu’à évo­quer des « pres­sions proches d’une cen­sure » après avoir été remer­cié après une chro­nique met­tant en cause l’efficacité des forces de sécu­ri­té durant les atten­tats de novembre. 1

La presse voit éga­le­ment sa liber­té d’ex­pres­sion limi­tée par les pres­sions, les menaces de sup­pres­sion de fonds publi­ci­taires, le har­cè­le­ment judi­ciaire qui sont des moyens de cen­su­rer la presse.

Mais la presse n’est pas le seul moyen d’expression qui subit des res­tric­tions. Le ciné­ma, bien qu’il soit l’un des grands moyens per­met­tant la liber­té d’expression, ne peut éga­le­ment s’exercer de manière tota­le­ment libre. Des visas d’autorisations doivent obli­ga­toi­re­ment être deman­dés, ce qui leur octroi ou non cer­taines aides financières.

Internet est éga­le­ment visé, et la loi de 2014 rela­tive à la lutte contre le terrorisme.a intro­duit le délit d’a­po­lo­gie du terrorisme.

Source : https://​www​.lemon​de​po​li​tique​.fr/​c​o​u​r​s​/​l​i​b​e​r​t​e​s​p​u​b​l​i​q​u​e​s​/​l​i​b​e​r​t​e​s​/​l​i​b​e​r​t​e​_​e​x​p​r​e​s​s​i​on.htm
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