ACTE II
SCENE PREMIÈRE. – ARAMINTE, DORANTE.
Dorante encourage Araminte à aller au procès et à plaider. Comme le lui ont confirmé plusieurs personnes, son affaire est bonne. Rien ne l’oblige donc à épouser le comte. Mais la jeune femme feint d’hésiter. Elle prétend maintenant ne pas vouloir « affliger » le comte et se demande si Dorante n’est pas trop prévenu contre lui. Si elle accepte ce mariage et que celui-ci veut changer d’intendant, elle lui trouvera une meilleure place. C’est maintenant Dorante qui est perdu : après avoir dit qu’il n’avait que le souci des intérêts de la jeune femme, il concède tristement qu’il ne sera plus à personne s’il perd cette place. Sans doute pour ne pas le faire souffrir plus longtemps, Araminte change de nouveau d’avis : elle plaidera donc.
Dorante a une autre suggestion à faire à sa maîtresse : il songe à Dubois pour remplacer le concierge d’une des terres d’Araminte qui est mort. Araminte veut le garder près d’elle et profite du sujet pour demander à Dorante si Dubois n’a pas travaillé pour lui. Dorante feint l’embarras. Dubois est « fidèle mais peu exact » et les anciens valets disent rarement du bien de leurs anciens maîtres. Ce n’est pas le cas de Dubois, dit Araminte.
Arrivée de Monsieur Rémy.
SCENE II. – ARAMINTE, DORANTE, MONSIEUR REMY.
Par politesse, Monsieur Rémy remercie Araminte d’avoir engagé son neveu comme intendant alors qu’on lui en offrait un autre.
Mais en fait, il est venu pour une autre affaire : une jolie femme de trente-cinq ans qui a 15.000 livres (» 141.000 €) de rente offre d’épouser sans délai Dorante qu’elle a vu chez le procureur. La personne qui attend sa réponse doit revenir bientôt. Dans deux heures, il faut que Dorante soit chez le procureur. (Dubois se cache en réalité derrière cette péripétie). Mais Dorante refuse : il ne l’épousera pas, quand bien même elle serait vingt fois plus riche car il a le cœur déjà pris. Monsieur Rémy se moque des scrupules de son neveu et lui demande si c’est son dernier mot. Quand celui-ci confirme, il le traite de « sot, imbécile et insensé » et celle qu’il aime de « guenon » en prenant à témoin Araminte. La jeune femme prend la défense de Dorante en lui conseillant mollement de changer d’avis. « Il n’y a pas moyen, Madame, mon amour m’est plus cher que ma vie. » répond l’intendant.
Araminte, n’en pouvant plus, se retire. Quant à Dorante, il n’est pas fâché que son oncle serve aussi bien ses intérêts sans le savoir.
SCENE III. - DORANTE, MONSIEUR REMY, MARTON.
Marton arrive au moment où Monsieur Rémy traite son neveu de fou. Il demande à la suivante ce qu’elle pense d’un homme sans le sou qui refuse d’épouser une jolie femme qui a 15.000 livres de rente. C’est alors que débute un quiproquo : Monsieur Rémy est persuadé que c’est Marton qui fait tourner la tête à son neveu. Il lui propose donc de le ramener à la raison. Au lieu de cela, la jeune femme qui se prend au jeu de cette révélation, répond à Monsieur Rémy qu’elle entend bien ne pas dissuader Dorante de l’aimer. Elle est même persuadée que sa maîtresse suppléera en partie ce qu’il lui sacrifie. Monsieur Rémy se retire, outré par la niaiserie des jeunes gens.
Marton annonce l’arrivée du comte. Dorante préfère partir car il n’a pas envie de le rencontrer.
SCENE IV. – LE COMTE, MARTON.
Le comte s’étonne qu’Araminte ait pris un autre intendant que le sien d’autant que celui qui a été engagé ne plaît pas à Madame Argante et qu’ils n’ont rien à en espérer. Il ne faut pas non plus s’inquiéter, dit Marton, « c’est un galant homme » et Madame Argante est responsable : elle a reproché à Dorante d’être trop bien. Le comte qui l’a vu sortir confirme qu’il n’a pas l’air d’un intendant mais il ne désespère pas de régler son affaire, notamment en proposant de l’argent à Dorante. Marton l’en dissuade, assurant que Dorante est « le garçon le plus désintéressé de France ». Elle demande au comte de la laisser faire.
SCENE V. – LE COMTE, ARLEQUIN, MARTON.
Arlequin annonce un garçon de courses présenté comme « un homme qui en demande un autre ».
SCENE VI. - LE COMTE, MARTON, LE GARÇON, ARLEQUIN.
Le garçon joailler est venu livrer une boîte contenant un portrait. Il doit le remettre à un homme qu’il connaît de vue mais dont il ignore le nom. Cet homme devait venir prendre la boîte chez son père mais comme celui-ci est parti en voyage, il a demandé à son fils de le livrer chez Madame Argante faute de le trouver chez Monsieur Rémy. Le comte confirme qu’il n’est pas l’homme en question mais voudrait bien voir la boîte. Le garçon refuse mais avoue qu’il y a un portrait à l’intérieur. « Serait-ce celui d’Araminte ? » dit le comte.
SCENE VII. – MARTON, LE GARÇON
Seule avec le garçon, Marton lui fait dire que l’homme en question est Dorante puis affirme que c’est de son portrait qu’il s’agit. Le garçon accepte de lui remettre la boîte. Le garçon ajoute que Dorante leur doit encore de l’argent pour cette boîte. Marton accepte de payer.
SCENE VIII. – MARTON, DORANTE.
Marton est effectivement persuadée qu’il s’agit de son portrait et elle s’en réjouit. Dorante arrive et lui demande si elle n’a pas rencontré l’ouvrier. Tout à son bonheur, Marton dit qu’elle a la boîte et qu’elle la lui rendra dès qu’elle l’aura vue. Mais Madame Argante arrive avec le comte. Loin de la détromper, Dorante s’étonne qu’elle prenne aussi bien le change.
SCENE IX. – ARAMINTE, LE COMTE, MADAME ARGANTE, MARTON.
Arrivent Araminte, Madame Argante et le comte qui souhaitent éclaircir ce mystère. Tous pressent de questions Marton qui leur assure que c’est de son portrait qu’il s’agit et que cette affaire ne les regarde pas. Comme ils insistent pour savoir qui a fait cette dépense pour elle, elle répond que c’est Dorante et qu’il l’aime. Mais quand Araminte se saisit de la boîte et l’ouvre, c’est son propre portrait qu’elle découvre au grand désappointement de Marton. La suivante explique sa méprise par l’insistance de Monsieur Rémy à vouloir les marier, par l’attitude ambiguë de Dorante qui n’a pas nié et a même refusé devant elle un riche parti et par le témoignage de l’ouvrier qui a reconnu que Dorante était le commanditaire de la boîte au portrait. Araminte se tourne vers le comte pour savoir si c’est lui qui a fait cette commande. Madame Argante voudrait bien que ce le fût mais le comte répond que ce ne peut pas être lui car il ne connaît pas Monsieur Rémy. Araminte décide de garder le portrait.
SCENE X. – ARAMINTE, LE COMTE, MADAME ARGANTE, MARTON, DUBOIS, ARLEQUIN.
A l’incident du portrait succède celui du tableau. Arlequin et Dubois font irruption sur la scène en se querellant. Araminte et Madame Argante leur demandent ce qui se passe. Dubois explique qu’en rangeant l’appartement de Dorante, il a vu un tableau où Araminte était peinte. Il a pensé qu’il fallait l’enlever. Quand Arlequin est arrivé, ils ont failli en venir aux mains. Car pour Arlequin, il y a de la malice à vouloir enlever ce tableau qui réjouit le cœur de Dorante. Araminte essaie de minimiser l’affaire : pourquoi faire tant de bruit « pour un vieux tableau qu’on a mis là par hasard ». Mais Madame Argante confirme que ce n’est pas sa place et qu’il faut l’ôter. Les deux valets sortent.
SCENE XI. – ARAMINTE, LE COMTE, MADAME ARGANTE, MARTON.
Le comte admet d’un ton railleur que l’intendant a bon goût. Mais plus sérieusement, Madame Argante confirme qu’elle n’a jamais apprécié cet homme et elle voudrait bien savoir ce que Dubois a à dire à son propos. Elle reproche à sa fille d’être la seule à ne pas voir qu’il ne lui convient pas. « Chacun a ses lumières » dit-elle en confirmant qu’elle refuse de se séparer de son intendant qui lui donne entière satisfaction. Cependant, elle consent à écouter Dubois. S’il donne des raisons suffisantes de le renvoyer, elle reconsidèrera peut-être sa position. Madame Argante est sûre de son fait et tient encore au mariage. Quant au comte, il déclare renoncer à son procès, préférant perdre que de disputer avec elle. Il reviendra plus tard et si Dorante est renvoyé, il ne tiendra qu’à Araminte de prendre l’intendant qu’il lui a proposé.
SCENE XII. – DUBOIS, ARAMINTE.
Dubois revient. Araminte lui reproche son indiscrétion et lui demande pourquoi il s’est disputé avec Arlequin au sujet de ce tableau au point que le sot soit venu ici ébruiter l’affaire. Dubois feint de regretter sa maladresse. Araminte se livre de plus en plus, en expliquant qu’elle a plus besoin de son silence que de son zèle. Elle lui demande également pourquoi il a dit : « Si je disais un mot ? ». A cause de ce qu’il appelle « ce zèle mal entendu », Madame Argante et le comte s’attendent maintenant à ce qu’il fasse des révélations surprenantes. Jouant les idiots, il répond qu’il n’y a qu’à invoquer son incompétence « quoiqu’il soit fort habile ». Araminte tergiverse : elle ne le retient plus par nécessité mais pour se ménager elle-même à moins que ne soit vrai ce que prétend Marton à propos de l’amour qu’éprouverait le jeune homme pour elle. Dubois évacue cette éventualité : c’est le procureur qui a inventé cette fable. Dorante n’a pas osé la démentir à cause du crédit dont bénéficie Marton auprès de sa maîtresse. Ainsi, la suivante a cru que c’était pour elle qu’il refusait les 15.000 livres. C’est de Dorante lui-même qu’il le tient.
Araminte est embarrassée : « Comment faire ? Si lorsqu’il me parle il me mettait en droit de me plaindre de lui, mais il ne lui échappe rien ; je ne sais de son amour que ce que tu m’en dis ; et je ne suis pas assez fondée pour le renvoyer. Il est vrai qu’il me fâcherait s’il parlait ; mais il serait à propos qu’il me fâchât. » Dubois lui suggère d’utiliser le portrait que Dorante a fait faire. Elle annonce son désir de tendre un piège à Dorante afin de le pousser à lui déclarer son amour et, en conséquence, de pouvoir le renvoyer légitimement.
SCENE XIII. – DORANTE, ARAMINTE, DUBOIS.
Dubois sort en passant près de Dorante, trop rapidement pour pouvoir l’avertir mais il pense que les choses s’arrangeront.
Dorante vient demander la protection d’Araminte car tout le monde semble décidé à le chasser. La jeune femme le rassure : c’est elle qui décide et elle lui conseille de ne pas montrer son inquiétude. Il doit dissimuler son attachement pour elle. Il les a indisposés sur le sujet du procès. Elle lui permet d’adopter une position plus souple « car, toute réflexion faite, [elle est] déterminée à épouser le Comte. » et elle lui promet de plaider sa cause auprès de celui-ci. Araminte mesure l’effet de son argument auprès de Dorante qui se décompose et croit que Dubois l’a trompé. Pour parachever l’effet de son piège, elle déclare qu’elle veut lui dicter une lettre pour le comte
« Hâtez-vous de venir, Monsieur ; votre mariage est sûr… ; Madame veut que je vous l’écrive, et vous attend pour vous le dire. N’attribuez point cette résolution à la crainte que Madame pourrait avoir des suites d’un procès douteux. Non, Monsieur, je suis chargé de sa part de vous assurer que la seule justice qu’elle rend à votre mérite la détermine. »
Pendant toute cette dictée, Araminte a observé la souffrance de Dorante mais il ne dit toujours rien. En regardant la lettre, elle voit que tout est écrit de travers et que l’adresse n’est presque pas lisible. Dorante se demande si ce n’est pas pour l’éprouver.
SCENE XIV. – ARAMINTE, DORANTE, MARTON.
Marton demande solennellement à Dorante de préciser ses intentions et à Araminte de lui accorder le jeune homme en mariage.
SCENE XV. – DORANTE, ARAMINTE.
A nouveau seule avec Dorante, Araminte continue à le presser de questions. Ce dernier nie être amoureux de Marton et impute ce malentendu à son oncle. Il ne l’a pas désabusée pour éviter qu’elle ne s’interpose entre sa maîtresse et lui. Araminte le pousse à l’aveu mais Dorante résiste tout en dépeignant « avec transport » l’objet de son amour : elle ne sait pas qu’il l’aime mais il se satisfait du plaisir de la voir.
Puis Araminte aborde la question du portrait. Dorante dit qu’il l’a fait lui-même. La jeune femme montre alors qu’elle a la boîte qui lui est tombée entre les mains soi-disant « par hasard » et l’ouvre. « Ah ! Madame, songez que j’aurais perdu mille fois la vie, avant que d’avouer ce que le hasard vous découvre. Comment pourrai-je expier ? » Il se jette à ses genoux. C’est à ce moment-là que Marton rentre et le découvre dans cette posture. Furieuse, Araminte lui demande la lettre et le chasse : « vous m’êtes insupportable. »
SCENE XVI. – ARAMINTE, DUBOIS.
Dubois demande à Araminte si Dorante s’est déclaré. Elle lui dit que non et lui demande de ne plus s’en mêler puis elle s’en va. « Voici l’affaire dans la crise ! » dit Dubois, annonçant ainsi le troisième acte.
SCENE XVII. – DUBOIS, DORANTE.
Dorante, craintif, s’inquiète de l’évolution de la situation tandis que Dubois s’en félicite, puis il lui donne rendez-vous dans le jardin.