Marivaux – Les Fausses confidences – Focus – rôle de ces confidences 

Temps de lec­ture : 3 minutes

Elles ne sont pas à pro­pre­ment par­ler men­son­gères, l’ad­jec­tif « fausses » ne signi­fiant pas ici le contraire de vrai. La faus­se­té ne réside pas dans le fond, mais dans la manière de le dire, dans le choix du moment, etc. Les confi­dences de Dubois sont « fausses » de n’être qu’ap­pa­rem­ment des confi­dences. Et il y a des confi­dences faites par d’autres per­son­nages, qui, elles, sont vrai­ment fausses.


En I, 3 seule­ment, on trouve une vraie fausse confi­dence, mais faite dans une inten­tion hon­nête, quand M. Remy fait croire à Marton que Dorante l’aime depuis quelque temps.
En I, 14, quand Dubois révèle à Araminte, en fei­gnant de se faire arra­cher un aveu, que Dorante l’aime pas­sion­né­ment, lui raconte com­ment cette pas­sion est née, lui indique qu’elle ne doit pas s’at­tendre à un aveu, car le jeune homme la res­pecte infi­ni­ment, lui révèle qu’il plaît à d’autres femmes qui vont jus­qu’à le pour­suivre, les infor­ma­tions qu’il trans­met ne sont pas inexactes. 

Rien ne per­met aux spec­ta­teurs de dou­ter que la pas­sion de Dorante n’ait eu ce carac­tère des­truc­teur que lui attri­bue Dubois devant Araminte. Ainsi, la des­crip­tion qu’il en fait ne peut être tenue pour fausse, mais sim­ple­ment pour affec­tée. Elle n’est, à la bien prendre, qu’une décla­ra­tion d’amour par per­sonne inter­po­sée, ce qui n’avait rien d’insolite dans le théâtre de Marivaux (dans ‘’Les ser­ments indis­crets’’ [IV, 9] Lucile nomme « fausse confi­dence » la mis­sion dont elle charge Lisette, et qui consiste à faire entendre à Damis qu’elle l’aime). C’est I’intention avec laquelle iI les trans­met qui est trom­peuse. Il est vrai que Dorante n’o­se­rait jamais avouer à Araminte qu’il I’aime : son res­pect pour elle et pour les valeurs sociales I’en empêchent. Mais I’amour d’Araminte, qui n’est au début qu’un goût ou uneat­ti­rance, ne peut se déve­lop­per que par conta­gion ; il faut qu’elle connaisse les sen­ti­ments que Dorante ne peut expri­mer devant elle ; c’est donc Dubois qui se charge, avec une habi­le­té consom­mée, de la confi­dence qui la bouleverse. 

Le pro­cé­dé ainsi défi­ni, on s’a­per­çoit que Marivaux I’applique à plu­sieurs autres reprises dans la pièce :
- En I, 17, la confi­dence exacte de Dubois à Marton, par laquelle il lui révèle l’intérêt que Dorante porte à Araminte, et jette l’inquiétude en son cœur.
- En II, 1, Dorante incite Araminte à plai­der et donc à ne pas se marier avec le comte, comme à se sépa­rer de Dubois auquel cepen­dant elle dit tenir.
- En II, 2, M. Remy annonce à son neveu qu’une femme très riche est prête à l’épouser, mais on peut se deman­der si ce n’est pas un sub­ter­fuge de Dubois.
- En II, 10, Arlequin et Dubois se dis­putent à pro­pos d’un tableau repré­sen­tant Araminte, que l’ancien valet avait fait enle­ver de la chambre de Dorante, qui, d’après lui, avait fait le por­trait qui avait été Iivré par erreur (mais est-ce bien une erreur?) à Marton ; et Dubois s’ar­range pour qu’Arlequin révèle devant tous que Dorante le contem­plait « de tout son cœur ».
- En 2, 13, Araminte elle-même informe faus­se­ment Dorante qu’elle est déci­dée à épou­ser le comte.
- En II, 16, Araminte pré­tend à Dubois que Dorante ne s’est pas décla­ré.
- En III, 2, Dubois pro­pose à Marton de s’emparer de la lettre qu’il a lui-même com­plo­tée avec
Dorante, et qu’on pour­rait appe­ler une fausse confi­dence par cor­res­pon­dance.
- En III, 9, Dubois vient décrire à Araminte le déses­poir de Dorante, et se vante d’avoir fait sub­ti­li­ser la lettre, d’être l’instigateur de sa lec­ture publique, déclen­chant en elle, sciem­ment, une émo­tion qui prend d’a­bord la forme de la colère, mais se résout fina­le­ment en aveu.
- En III, 12, Dorante révèle à Araminte le rôle qu’a joué Dubois, les « fausses confi­dences » dont elle a été vic­time.
Tous les faits que Dubois rap­porte sont exacts. Ses confi­dences sont moins fausses que motrices,
alors que c’est Araminte qui, à deux reprises, ment.

Source : C.L

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