Le schéma actanciel
Il fait apparaître les ressorts qui soutiennent la structure de l’intrigue. Toute l’action s’organise autour de l’amour de Dorante pour Araminte qu’il souhaite épouser : pour la conquérir, il est entré à son service comme intendant. Mais cet objectif se heurte à de nombreux opposants, car un autre prétendant est sur les rangs, le comte Dorimont, qui a les faveurs de la mère d’Araminte, Madame Argante (elle verrait d’un bon œil sa fille devenir comtesse), de Marton, par intérêt, surtout, à l’oncle de Dorante, monsieur Remy, procureur d’Araminte : il fait tout pour qu’un mariage soit possible entre son neveu et la suivante d’Araminte, Marton, qui accueille avec joie ce projet. Mais la principale opposition vient d’Araminte elle-même, car l’écart social entre elle et Dorante fait de cet amour une véritable transgression, que son amour-propre ne peut que freiner. L’enjeu de l’intrigue est donc posé : comment à la fois supprimer ces opposants, et convaincre Araminte d’accepter ses propres sentiments ?
C’est à cela que va s’employer l’adjuvant, Dubois, ancien valet de Dorante entré au service d’Araminte, qui affirme sa force d’action : « Si vous lui plaisez, elle en sera si honteuse, elle se débattra tant, elle deviendra si faible, qu’elle ne pourra se soutenir qu’en épousant » (I, 2). Pour réussir, il s’apppuie sur le valet Arlequin, manipulé à son insu, mais, surtout, sur le retournement de Monsieur Remy qui, dès la scène 5 de l’acte III, réagit fort mal au mépris de Madame Argante et se met à défendre son neveu, puis sur celui de Marton, qui reconnaît, à la scène 10, l’amour sincère de Dorante pour sa maîtresse et l’encourage à y répondre. Ces deux opposants devenus des adjuvants, dès le moment où Araminte, à son tour, laisse parler son cœur, la comédie peut se conclure, comme le veut la tradition, par un heureux mariage.
le schéma dramatique
L’exposition
Elle est très rapide : dans la scène 2, le public est informé du « projet » qui unit Dubois et Dorante pour permettre à celui-ci son mariage avec Araminte.
Le nœud de l’action
En 3 temps, les scènes suivantes déterminent les relations initiales entre les personnages.
D’abord, dans le plan de Dubois figurait un conseil à Dorante, « tâchez que Marton prenne un peu de goût pour vous », sans doute pour qu’elle encourage sa maîtresse à soutenir, par sympathie, le projet de Dorante. Mais l’intervention de M. Remy, qui souhaite marier son neveu à Marton, constitue un nouvel élément propre à faire avancer l’action, que Dubois saura parfaitement exploiter.
Puis vient l’introduction de Dorante auprès d’Araminte, qui construit en même temps sa relation avec elle, avec Marton et avec Arlequin, mis à son service.
Enfin, est posé un dernier enjeu de l’action, le procès, qui définit les opposants, autour du Comte, rival de Dorante.
Les péripéties
Préparées par Dubois, elles s’organisent autour de 3 péripéties, autant d’épreuves imposées à Araminte, qui se succèdent rapidement, deux dans l’acte II, la dernière au début de l’acte III : le portrait d’Araminte, peint par Dorante, le rapport d’Arlequin sur le tableau de celle-ci qu’il contemple, la lettre prétendument écrite par Dorante à un ami.
Dans chacune, le rôle de Dubois reste dissimulé, ce qui permet, parallèlement, ses 3 « confidences » à Araminte : elles influent sur les réactions de celle-ci, aussi bien face à Dorante que face aux différents opposants, intervenant à deux reprises.
L’élément de résolution
C’est, jointe au retournement de deux opposants, M. Remy et Marton, l’ultime confidence de Dubois, qui, en accentuant la colère d’Araminte, introduit l’élément de résolution : elle décide d’écouter ses propres sentiments. Nous reconnaissons là le gout de Marivaux pour l’analyse de la complexité de l’âme féminine.
Le dénouement
Il est annoncé dès l’exposition par l’emploi du futur de certitude, « on vous épousera, toute fière qu’on est », d’où son extrême rapidité. L’aveu d’amour d’Araminte, dans l’avant-dernière scène, détermine l’aveu par Dorante de la stratégie menée : « Tous les incidents qui sont arrivés partent de l’industrie d’un domestique qui savait mon amour, qui m’en plaint, qui, par le charme de l’espérance, du plaisir de vous voir, m’a, pour ainsi dire, forcé de consentir à son stratagème. » Après le pardon accordée par Araminte à Dorante, il ne reste plus que le retrait du Comte et de Mme Argante pour conclure sur un heureux mariage, confirmé par les deux dernières répliques, longtemps supprimées, depuis 1793, à la Comédie-Française, mais rétablies aujourd’hui :
le triomphe de Dubois avait l’inconvénient de mettre l’accent sur le stratagème plus que sur la vérité du cœur :
la phrase d’Arlequin, « Pardi ! nous nous soucions bien de ton tableau à présent ! L’original nous en fournira bien d’autres copies. », heurtait, elle, les bienséances en évoquant la relation sexuelle du couple.
Source : cotentinghislaine