Elisabeth Roudinesco – Le moi au départ c’est ce qu’on appelle la personne humaine. Et Freud en fait dans sa première topique de début du siècle, conscient inconscient et pré conscient, il en fait le siège de la conscience, le moi c’est inclus dans la conscience, je rappelle que Freud fait des topiques c’est des topoi, des lieux géographiques qui définissent la personnalité humaine. Et puis après la guerre à partir de 1920 il y a une deuxième topique le moi, le ça et le surmoi. C’est une deuxième topique qui ne recouvre pas complètement la première, parce que chez Freud les concepts sont toujours flous c’est ça qui est formidable, ça se déplace ça bouge c’est dialectique, et à partir de ce moment-là c’est un peu une grande révolution puisque il inclut le moi dans l’inconscient autrement dit il y a une partie du moi qui est plus consciente, qui est un peu dans le ça qui est l’inconscient, le surmoi étant l’instance morale on disait toujours le surmoi c’est ce qui vous guide dans la morale, c’est ce qui vous juge mais c’est à l’intérieur du moi, et à partir de ce moment-là c’est vrai qu’il y a une sorte de révolution parce que l’histoire du mouvement psychanalytique à partir de 1920 va évoluer en plusieurs sens. À partir de cette définition. Soit on va accentuer l’idée que le moi est inconscient lui-même et ça donnera ensuite les positions de Mélanie Klein en Angleterre, ou de Lacan, avec cette phrase fameuse qu’avait écrit Freud le moi doit aller vers le ça en quelque sorte là où était e ça je dois advenir Wo es war soll Ich werden, c’était quelque chose qui a suscité beaucoup de discussions, et au contraire dans l’école américaine, qui va dominer même la psychanalyse dans les années 30 à cause de l’émigration, du départ de tous les psychanalystes d’Europe, on va avoir ce qu’on appelle l’Ego Psychology aux États-Unis, qui est un grand courant plus adaptatif, c’est l’idée que le moi s’adapter à une certaine réalité, c’est pas quelque chose d’idiot, il ne faut pas considérer la psychanalyse américaine comme quelque chose qui était stupide, c’est une autre école, qui est plus centrée sur le moi. Sur l’idée qu’il faut être actif, s’adapter, pas à la réalité exactement mais qu’on doit recentrer quand même sur le moi.
Adèle Van Reeth (France culture) recevait Elisabeth Roudinesco à propos de la figure de Narcisse en psychanalyse et des excès du moi.