Olympe de Gouges – Déclaration des droits de la femme et du citoyen – articles 7 à 11 – analyse 02

Temps de lec­ture : 5 minutes

Avec la Révolution fran­çaise, les citoyens obtiennent des droits mais les citoyennes, qui ont com­bat­tu aux côtés des hommes pour l’égalité et la liber­té, sont tota­le­ment oubliées. A ce titre, en 1791, Olympe de Gouges réécrit la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, rédi­gée en 1789 et pro­pose une Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. Oeuvre inclas­sable, à la fois texte juri­dique, pam­phlet, dis­cours, elle s’adresse à quatre inter­lo­cu­teurs : la reine Marie-Antoinette, les hommes, l’Assemblée natio­nale et les femmes. Olympe de Gouges espère influer sur la rédac­tion de la Constitution qui, en voie d’adoption, exclut les femmes des droits civiques et poli­tiques. Son objec­tif prin­ci­pal est de per­mettre aux femmes d’obtenir une recon­nais­sance légale de leurs droits au sein de la socié­té. Ne pou­vant, parce qu’elle est une femme, prendre la parole direc­te­ment pour s’adresser aux dépu­tés, elle dicte à son secré­taire le dis­cours qu’elle ne peut prononcer.

I/ Une volon­té d’être équi­table : les citoyennes par­ti­cipent à l’élaboration des lois et y sont sou­mises comme les hommes : articles 7 à 9

Olympe de Gouges ouvre l’article 7 sur une phrase brève, absente de la DDHC (hypo­texte). Cette phrase brève se carac­té­rise par une double néga­tion per­mise par le déter­mi­nant indé­fi­ni : « nulle » et par l’adverbe de néga­tion : « ne » : « Nulle femme n’est excep­tée » (l 2). Grâce à ce pro­cé­dé, l’écrivaine affirme que la femme doit pas être exclue de la vie publique et poli­tique. Homme et femme doivent être égaux et cette éga­li­té doit être recon­nue devant la loi. Le rythme ter­naire : « elle est accu­sée, arrê­tée et déte­nue dans les cas déter­mi­nés par la loi » modi­fie La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) En effet, dans celui-ci, on peut lire : « Nul homme ne peut être accu­sé, arrê­té ou déte­nu que dans les cas déter­mi­nés par la loi ». Ainsi, alors que la DDHC cri­ti­quait les arres­ta­tions arbi­traires, Olympe de Gouges sup­prime la néga­tion et fait le choix de l’affirmation. Grâce à cela, elle rap­pelle que pour sanc­tion­ner une femme, il faut un cadre légal d’où l’importance d’une Constitution qui prenne en compte tous les Français et, de la sorte, les Françaises. De plus, nous pou­vons consta­ter qu’elle modi­fie la suite de l’article 7. Dans la DDHC, une phrase pré­cise le sort de ceux qui abu­se­raient de leur auto­ri­té et de ceux qui déso­béi­raient à la loi. Olympe de Gouges sup­prime cette par­tie et insiste sur l’équité homme / femme devant la jus­tice grâce à la com­pa­rai­son : « les femmes obéissent comme les hommes » (l 3) L’adjectif : « rigou­reuse » : « à cette loi rigou­reuse » met l’accent sur l’importance capi­tale de suivre cette loi, de trai­ter de la même manière les hommes et les femmes. L’article 8 est qua­si­ment iden­tique à l’article 8 de la DDHC. Seule dif­fé­rence appor­tée : le par­ti­cipe pas­sée : « appli­quée » (l 6) est com­plé­té non par « aux hommes » mais par : « aux femmes ».

II/ Le droit à la liber­té d’opinion et d’expression : articles 10 et 11

Dans l’article 10, Olympe de Gouges fait un rap­pro­che­ment inté­res­sant entre le « droit de mon­ter sur l’échafaud » (l 11), un droit qui est accor­dé aux femmes, et celui de « mon­ter à la tri­bune » (l 12), qui lui est pour­tant refu­sé. D’après elle, si les femmes peuvent être condam­nées à mort, elles doivent aussi pou­voir prendre la parole en public. Elle uti­lise un rai­son­ne­ment appe­lé a pari : c’est-à-dire un rai­son­ne­ment par ana­lo­gie : elle éta­blit un rap­port d’égalité entre le droit de mou­rir et le droit de prendre la parole. L’analogie est sou­li­gnée par le paral­lé­lisme de construc­tion avec le verbe « mon­ter » : « mon­ter à l’échafaud » / « mon­ter à la tri­bune ». Si, comme les hommes, les femmes peuvent être condam­nées à mort, elles doivent, comme les hommes, pou­voir prendre éga­le­ment la parole en public. Cependant, elle met l’accent sur l’obligation de ne pas créer de désordres grâce à la pro­po­si­tion subor­don­née cir­cons­tan­cielle de conces­sion : « pour­vu que ses mani­fes­ta­tions ne troublent pas l’ordre public éta­bli par la loi » (l 12 – 13) La seule res­tric­tion qui peut être appor­tée à la prise de parole de la femme est donc que son dis­cours entraîne un désordre public. Passons, à pré­sent, à l’article 11. Dans la DDHC, il garan­tit la liber­té d’expression et la liber­té de la presse : « tout citoyen peut donc par­ler, écrire, impri­mer libre­ment ». Or, Olympe de Gouges, en évo­quant la liber­té d’expression de la femme, pro­cède à un glis­se­ment et amène la ques­tion de la recon­nais­sance des enfants. Si la femme pos­sède le droit de s’exprimer, elle doit pou­voir dire qui est le père de ses enfants. La pro­po­si­tion subor­don­née cir­cons­tan­cielle de cause lui per­met d’associer liber­té d’expression et recon­nais­sance pater­nelle : « puisque cette liber­té assure la légi­ti­mi­té des pères envers les enfants ». Il ne faut pas oublier que, selon la rumeur, elle est elle-même une enfant illé­gi­time : son père bio­lo­gique serait en réa­li­té Jean-Jacques Lefranc, mar­quis de Pompignan. Cet article vise, ainsi, à pro­po­ser un sta­tut aux êtres vul­né­rables : les enfants illé­gi­times et à leurs mères. L’adverbe : « libre­ment » (l 17) montre que ce chan­ge­ment fera naître un véri­table chan­ge­ment pour les femmes, s’affirmerait comme une réelle liber­té. C’est alors l’occasion pour Olympe de Gouges de don­ner la parole à une femme, à une mère : « je suis mère d’un enfant qui vous appar­tient », prise de parole mise en évi­dence grâce à l’utilisation de l’italique. En outre, l’utilisation de l’adjectif : « bar­bare » : « pré­ju­gé bar­bare » (l 17) tend à révé­ler à quel point le juge­ment porté sur les femmes don­nant nais­sance à un enfant hors mariage appar­tient au passé, à une façon de pen­ser qui ne doit plus être. Enfin, l’article 11 se clôt sur une limite à appor­ter à ce droit de recon­nais­sance. Il faut rap­pe­ler qu’Olympe de Gouges ne cherche pas de la com­plai­sance à l’égard des femmes mais sou­haite qu’elles soient trai­tés comme les hommes. Ainsi, elle apporte une nuance intro­duite par la pré­po­si­tion : « sauf » : « sauf à répondre de l’abus de cette liber­té ». Effectivement, si les femmes ont la pos­si­bi­li­té de dévoi­ler l’identité du père, elles ne doivent pas abu­ser de ce droit.

En réécri­vant les articles 7 à 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, Olympe de Gouges ne se contente pas de la mettre au fémi­nin. Elle pro­cède, en effet, à plu­sieurs chan­ge­ments comme l’affirmation du droit de mon­ter à l’échafaud ou la recon­nais­sance des enfants illégitimes.Pionnière du fémi­nisme, avant-gardiste, Olympe de Gouges a dif­fu­sé ses idées grâce à cette réécri­ture de la Déclaration mais éga­le­ment grâce à des affiches. Il est inté­res­sant de noter que les col­lages fémi­nistes sont tou­jours d’actualité à l’image de Marguerite Sterne, une ancienne Femen, qui, comme Olympe de Gouges, relaye son com­bat par le biais de feuilles A4 qu’elle pla­carde sur les murs de Marseille, son col­lage le plus célèbre étant : « Elle le quitte, il la tue ».

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