Avec la Révolution française, les citoyens obtiennent des droits mais les citoyennes, qui ont combattu aux côtés des hommes pour l’égalité et la liberté, sont totalement oubliées. A ce titre, en 1791, Olympe de Gouges réécrit la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, rédigée en 1789 et propose une Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. Oeuvre inclassable, à la fois texte juridique, pamphlet, discours, elle s’adresse à quatre interlocuteurs : la reine Marie-Antoinette, les hommes, l’Assemblée nationale et les femmes. Olympe de Gouges espère influer sur la rédaction de la Constitution qui, en voie d’adoption, exclut les femmes des droits civiques et politiques. Son objectif principal est de permettre aux femmes d’obtenir une reconnaissance légale de leurs droits au sein de la société. Ne pouvant, parce qu’elle est une femme, prendre la parole directement pour s’adresser aux députés, elle dicte à son secrétaire le discours qu’elle ne peut prononcer.
I/ Une volonté d’être équitable : les citoyennes participent à l’élaboration des lois et y sont soumises comme les hommes : articles 7 à 9
Olympe de Gouges ouvre l’article 7 sur une phrase brève, absente de la DDHC (hypotexte). Cette phrase brève se caractérise par une double négation permise par le déterminant indéfini : « nulle » et par l’adverbe de négation : « ne » : « Nulle femme n’est exceptée » (l 2). Grâce à ce procédé, l’écrivaine affirme que la femme doit pas être exclue de la vie publique et politique. Homme et femme doivent être égaux et cette égalité doit être reconnue devant la loi. Le rythme ternaire : « elle est accusée, arrêtée et détenue dans les cas déterminés par la loi » modifie La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) En effet, dans celui-ci, on peut lire : « Nul homme ne peut être accusé, arrêté ou détenu que dans les cas déterminés par la loi ». Ainsi, alors que la DDHC critiquait les arrestations arbitraires, Olympe de Gouges supprime la négation et fait le choix de l’affirmation. Grâce à cela, elle rappelle que pour sanctionner une femme, il faut un cadre légal d’où l’importance d’une Constitution qui prenne en compte tous les Français et, de la sorte, les Françaises. De plus, nous pouvons constater qu’elle modifie la suite de l’article 7. Dans la DDHC, une phrase précise le sort de ceux qui abuseraient de leur autorité et de ceux qui désobéiraient à la loi. Olympe de Gouges supprime cette partie et insiste sur l’équité homme / femme devant la justice grâce à la comparaison : « les femmes obéissent comme les hommes » (l 3) L’adjectif : « rigoureuse » : « à cette loi rigoureuse » met l’accent sur l’importance capitale de suivre cette loi, de traiter de la même manière les hommes et les femmes. L’article 8 est quasiment identique à l’article 8 de la DDHC. Seule différence apportée : le participe passée : « appliquée » (l 6) est complété non par « aux hommes » mais par : « aux femmes ».
II/ Le droit à la liberté d’opinion et d’expression : articles 10 et 11
Dans l’article 10, Olympe de Gouges fait un rapprochement intéressant entre le « droit de monter sur l’échafaud » (l 11), un droit qui est accordé aux femmes, et celui de « monter à la tribune » (l 12), qui lui est pourtant refusé. D’après elle, si les femmes peuvent être condamnées à mort, elles doivent aussi pouvoir prendre la parole en public. Elle utilise un raisonnement appelé a pari : c’est-à-dire un raisonnement par analogie : elle établit un rapport d’égalité entre le droit de mourir et le droit de prendre la parole. L’analogie est soulignée par le parallélisme de construction avec le verbe « monter » : « monter à l’échafaud » / « monter à la tribune ». Si, comme les hommes, les femmes peuvent être condamnées à mort, elles doivent, comme les hommes, pouvoir prendre également la parole en public. Cependant, elle met l’accent sur l’obligation de ne pas créer de désordres grâce à la proposition subordonnée circonstancielle de concession : « pourvu que ses manifestations ne troublent pas l’ordre public établi par la loi » (l 12 – 13) La seule restriction qui peut être apportée à la prise de parole de la femme est donc que son discours entraîne un désordre public. Passons, à présent, à l’article 11. Dans la DDHC, il garantit la liberté d’expression et la liberté de la presse : « tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement ». Or, Olympe de Gouges, en évoquant la liberté d’expression de la femme, procède à un glissement et amène la question de la reconnaissance des enfants. Si la femme possède le droit de s’exprimer, elle doit pouvoir dire qui est le père de ses enfants. La proposition subordonnée circonstancielle de cause lui permet d’associer liberté d’expression et reconnaissance paternelle : « puisque cette liberté assure la légitimité des pères envers les enfants ». Il ne faut pas oublier que, selon la rumeur, elle est elle-même une enfant illégitime : son père biologique serait en réalité Jean-Jacques Lefranc, marquis de Pompignan. Cet article vise, ainsi, à proposer un statut aux êtres vulnérables : les enfants illégitimes et à leurs mères. L’adverbe : « librement » (l 17) montre que ce changement fera naître un véritable changement pour les femmes, s’affirmerait comme une réelle liberté. C’est alors l’occasion pour Olympe de Gouges de donner la parole à une femme, à une mère : « je suis mère d’un enfant qui vous appartient », prise de parole mise en évidence grâce à l’utilisation de l’italique. En outre, l’utilisation de l’adjectif : « barbare » : « préjugé barbare » (l 17) tend à révéler à quel point le jugement porté sur les femmes donnant naissance à un enfant hors mariage appartient au passé, à une façon de penser qui ne doit plus être. Enfin, l’article 11 se clôt sur une limite à apporter à ce droit de reconnaissance. Il faut rappeler qu’Olympe de Gouges ne cherche pas de la complaisance à l’égard des femmes mais souhaite qu’elles soient traités comme les hommes. Ainsi, elle apporte une nuance introduite par la préposition : « sauf » : « sauf à répondre de l’abus de cette liberté ». Effectivement, si les femmes ont la possibilité de dévoiler l’identité du père, elles ne doivent pas abuser de ce droit.
En réécrivant les articles 7 à 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, Olympe de Gouges ne se contente pas de la mettre au féminin. Elle procède, en effet, à plusieurs changements comme l’affirmation du droit de monter à l’échafaud ou la reconnaissance des enfants illégitimes.Pionnière du féminisme, avant-gardiste, Olympe de Gouges a diffusé ses idées grâce à cette réécriture de la Déclaration mais également grâce à des affiches. Il est intéressant de noter que les collages féministes sont toujours d’actualité à l’image de Marguerite Sterne, une ancienne Femen, qui, comme Olympe de Gouges, relaye son combat par le biais de feuilles A4 qu’elle placarde sur les murs de Marseille, son collage le plus célèbre étant : « Elle le quitte, il la tue ».
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