Préambule
Les mères, les filles, les sœurs, représentantes de la nation, demandent d’être constituées en Assemblée nationale. Considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de la femme, sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d’exposer dans une déclaration solennelle, les droits naturels inaliénables et sacrés de la femme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs, afin que les actes du pouvoir des femmes, et ceux du pouvoir des hommes, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés, afin que les réclamations des citoyennes, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution, des bonnes mœurs, et au bonheur de tous.
En conséquence, le sexe supérieur, en beauté comme en courage, dans les souffrances maternelles, reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Être suprême, les Droits suivants de la Femme et de la Citoyenne.
Le texte marque nettement la volonté polémique d’Olympe de Gouges, par la comparaison établie entre les deux sexes. Par exemple, la formulation, strictement politique, qui distingue « les actes du pouvoir législatif, et ceux du pouvoir exécutif » est remplacée par la seule distinction des sexes : « les actes du pouvoir des femmes et ceux du pouvoir des hommes ». Elle en arrive ainsi à un éloge insistant des femmes, puisqu’au lieu de « l’Assemblée Nationale », elle prend comme sujet de sa phrase de présentation « le sexe supérieur en beauté comme en courage dans les souffrances maternelles ».
Choix paradoxal cependant puisque ce comparatif, alors même qu’elle revendique l’égalité, repose sur l’image traditionnelle de la femme, sa double dimension de séductrice et de mère. De même, comment expliquer, à la fin du paragraphe, l’ajout « des bonnes mœurs » entre l’objectif initial de « maintien de la Constitution » et de « bonheur de tous » ? Faut-il y voir une volonté de répondre par avance à une objection de ceux qui considèrent que l’association des femmes à la vie publique risquerait de les conduire à l’immoralité ? À nouveau, cette précision ne révèle-t-elle pas qu’Olympe de Gouges reste marquée par le regard traditionnel porté sur les femmes, dont la moralité serait fragile ?
Source : Cotentin Ghislaine