En 1791, Olympe de Gouges publie “La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne”. Elle éclaire et dénonce le paradoxe révolutionnaire : l’égalité peut-elle se passer des femmes ?
1791 : deux ans après la prise de la Bastille et “la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen”, Olympe de Gouges, 43 ans, rédige “la Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne”. Elle a alors déjà publié une cinquantaine de textes : pièces de théâtre, conte philosophique, pamphlets, affiches, romans…
Homme, es-tu capable d’être juste ? C’est une femme qui t’en fait la question ; tu ne lui ôteras pas du moins ce droit. Dis-moi ? Qui t’a donné le souverain empire d’opprimer mon sexe ? Ta force ? Tes talents ? Observe le créateur dans sa sagesse ; parcours la nature dans toute sa grandeur, dont tu sembles vouloir te rapprocher, et donne-moi, si tu l’oses, l’exemple de cet empire tyrannique. Remonte aux animaux, consulte les éléments, étudie les végétaux, jette enfin un coup d’œil sur toutes les modifications de la matière organisée ; et rends-toi à l’évidence quand je t’en offre les moyens ; cherche, fouille et distingue, si tu peux, les sexes dans l’administration de la nature. Partout tu les trouveras confondus, partout ils coopèrent avec un ensemble harmonieux à ce chef‑d’œuvre immortel.
L’homme seul s’est fagoté un principe de cette exception. Bizarre aveugle, boursouflé de sciences et dégénéré dans ce siècle de lumière et de sagacité, il veut commander en despote sur un sexe qui a reçu toutes les facultés intellectuelles, il prétend jouir de la révolution et réclamer ses droits à l’égalité… pour ne rien dire de plus. Olympe de Gouges, 14 septembre 1791, “Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne”
Mais c’est ce texte qui est resté dans les mémoires et qui est d’ailleurs cette année pour la première fois au programme du baccalauréat en littérature (parcours “Ecrire et combattre pour l’égalité”).
Pourtant à l’époque, il passe complètement inaperçu, publié délibérément le 14 septembre 1791, jour de la promulgation de la Première Constitution française.
La stratégie de Gouges échoue donc : elle entendait montrer que la Constitution (et donc la démocratie) était nulle, si elle se faisait sans les femmes.
L’universel révolutionnaire est un leurre. Alors, elle se comporte comme si elle possédait des droits de citoyenneté : elle donne son avis sur tout, participe aux débats, s’adresse aux puissants (le Roi, la Reine, Frédéric II, Robespierre, Mirabeau, Dumouriez.). Interdite de tribune, elle saisit tous les autres moyens pour s’exprimer.
Journalistes, philosophe, autrice et femme politique : autant de titres qu’elle revendique en pleine illégitimité. Journaliste et philosophe : mais qui n’a pas reçu d’éducation. Autrice qui réclame de l’aide à l’écriture. Citoyenne sans droit à l’être et sans aucune connaissance de la politique (selon ses propres mots).
“Craignez le réveil de la vérité ! ” s’exclame t‑elle. Car elle est sûre d’avoir raison, de connaitre la vérité, de la pressentir. Olympe de Gouges n’était pas une théoricienne, elle-même concédait savoir peu de choses, mais plaçait la vérité et la raison, refusées aux femmes à son époque, au centre de son discours politique.
Une femme peut-elle être responsable et punissable sans avoir le droit de s’exprimer ?
L’expérience d’Olympe de Gouges montre ce paradoxe puisque désignée coupable elle fut guillotinée, sans avoir eu le droit de monter à la tribune. Les révolutionnaires lui ont coupé la tête, et par là même, la parole et la raison.
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