Marivaux – Les Fausses confidences – Acte III – Scène 8 – analyse 02

Temps de lec­ture : 2 minutes

Une scène comique

Extrait étu­dié : du début à la réponse d’Araminte, « Tout »

La lettre fic­tive, stra­ta­gème ourdi par Dubois, rédi­gée par Dorante, des­ti­née à faire céder Araminte, est pas­sée par les mains de Dorante, Arlequin et Marton. Elle arrive dans cette scène dans les mains du comte.

Les mou­ve­ments :
On peut iden­ti­fier un pre­mier mou­ve­ment du début jusqu’à « Dorante sort », qui cor­res­pond à la lec­ture publique de la lettre fic­tive. Un second mou­ve­ment de « Eh bien quoi » à « il sort » révèle la parole trans­pa­rente de M. Rémy. Le der­nier mou­ve­ment de « Fera-t- on » jusqu’à la fin, se concentre sur la réac­tion d’Araminte.

Pourquoi faire lire le comte ?
Le comte, amou­reux d’Araminte, prête à sa voix à Dorante, avouant dans cette lettre son ado­ra­tion­dans un style pré­cieux. Lire cette lettre lui donne l’occasion de par­ler de sen­ti­ments, lui qui ne parle depuis le début que de pro­cès et d’argent, et ce déca­lage crée un effet comique. Après les révé­la­tions de Dubois et d’Arlequin, l’aveu détour­né passe par la voix du comte avant de pas­ser par celle de Marton à la fin de l’acte.

Les effets recher­chés par les inter­ven­tions de Mme Argante ?
C’est l’effet comique qui est recher­ché, de deux manières. D’une part, le déca­lage entre le ton de la lettre, roma­nesque et sen- timen­tale, et les com­men­taires sar­cas­tiques et vul­gaires de Mme Argante est cocasse : elle paro­die le style galant de la lettre « bon voyage au galant ». D’autre part, l’écriture en contre­point donne du rythme à la scène, crée du sus­pens à cause de l’effet dila­toire pro­duit (on attend la fin de la lettre) et contri­bue au comique de la scène.

Les pro­pos de Rémy sont-ils conser­va­teurs ou libé­raux ?
M. Rémy se révèle ici le porte-parole d’une morale fon­dée sur la nature, la sim­pli­ci­té et le mérite : « c’est de l’amour qu’il a », « S’il était riche, il pour­rait bien dire qu’il adore ». Il sou­lève ici l’injustice sociale qui accorde aux uns ce qu’elle refuse à d’autres : la liber­té d’aimer. Araminte avait déjà lancé cette phrase sub­ver­sive : « je suis tou­jours fâchée de voir d’honnêtes gens sans for­tune, tan­dis qu’une infi­ni­té de gens de rien, et sans mérite, en ont une écla­tante ». Elle ose recon­naître la valeur du mérite en dehors de toute nais­sance et appar­te­nance à un sta­tut social. Dubois par­tage ce point de vue : Dorante n’a pas la for­tune qu’il mérite. Rien d’étonnant que la pièce ait connu un triomphe dans les années qui sui­virent la Révolution Française.

La réac­tion d’Araminte
Le méca­nisme de révé­la­tion engen­dré par Dubois pro­gresse vers l’i­né­luc­table. Araminte doit choi­sir et assu­mer son choix aux yeux de la socié­té for­mée par tous les autres per­son­nages. La colère d’Araminte révèle son angoisse, elle se sent tra­hie par Dubois et prise au piège devant l’ensemble des per­son­nages ; de plus, son corps parle ; elle se sent prise en étau entre ses sen­ti­ments et l’obstacle inté­rieur qu’elle s’impose.

Source : nprl

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