Une scène comique
Extrait étudié : du début à la réponse d’Araminte, « Tout »
La lettre fictive, stratagème ourdi par Dubois, rédigée par Dorante, destinée à faire céder Araminte, est passée par les mains de Dorante, Arlequin et Marton. Elle arrive dans cette scène dans les mains du comte.
Les mouvements :
On peut identifier un premier mouvement du début jusqu’à « Dorante sort », qui correspond à la lecture publique de la lettre fictive. Un second mouvement de « Eh bien quoi » à « il sort » révèle la parole transparente de M. Rémy. Le dernier mouvement de « Fera-t- on » jusqu’à la fin, se concentre sur la réaction d’Araminte.
Pourquoi faire lire le comte ?
Le comte, amoureux d’Araminte, prête à sa voix à Dorante, avouant dans cette lettre son adorationdans un style précieux. Lire cette lettre lui donne l’occasion de parler de sentiments, lui qui ne parle depuis le début que de procès et d’argent, et ce décalage crée un effet comique. Après les révélations de Dubois et d’Arlequin, l’aveu détourné passe par la voix du comte avant de passer par celle de Marton à la fin de l’acte.
Les effets recherchés par les interventions de Mme Argante ?
C’est l’effet comique qui est recherché, de deux manières. D’une part, le décalage entre le ton de la lettre, romanesque et sen- timentale, et les commentaires sarcastiques et vulgaires de Mme Argante est cocasse : elle parodie le style galant de la lettre « bon voyage au galant ». D’autre part, l’écriture en contrepoint donne du rythme à la scène, crée du suspens à cause de l’effet dilatoire produit (on attend la fin de la lettre) et contribue au comique de la scène.
Les propos de Rémy sont-ils conservateurs ou libéraux ?
M. Rémy se révèle ici le porte-parole d’une morale fondée sur la nature, la simplicité et le mérite : « c’est de l’amour qu’il a », « S’il était riche, il pourrait bien dire qu’il adore ». Il soulève ici l’injustice sociale qui accorde aux uns ce qu’elle refuse à d’autres : la liberté d’aimer. Araminte avait déjà lancé cette phrase subversive : « je suis toujours fâchée de voir d’honnêtes gens sans fortune, tandis qu’une infinité de gens de rien, et sans mérite, en ont une éclatante ». Elle ose reconnaître la valeur du mérite en dehors de toute naissance et appartenance à un statut social. Dubois partage ce point de vue : Dorante n’a pas la fortune qu’il mérite. Rien d’étonnant que la pièce ait connu un triomphe dans les années qui suivirent la Révolution Française.
La réaction d’Araminte
Le mécanisme de révélation engendré par Dubois progresse vers l’inéluctable. Araminte doit choisir et assumer son choix aux yeux de la société formée par tous les autres personnages. La colère d’Araminte révèle son angoisse, elle se sent trahie par Dubois et prise au piège devant l’ensemble des personnages ; de plus, son corps parle ; elle se sent prise en étau entre ses sentiments et l’obstacle intérieur qu’elle s’impose.
Source : nprl